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19/03/2006

La colère de Jésus

23 mars 2003
Année B: 3e dimanche du Carême
Jean 2, 13-25
« Il (Jésus) trouva installé dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. » (v. 14)

 

     On s’imagine mal un geste, comme celui de Jésus chassant les vendeurs du Temple, posé aujourd’hui à quelque endroit de notre institution ecclésiastique. Celui ou celle qui oserait s’y aventurer recevrait certainement une grande part de réprobation de ceux qui sont au pouvoir et même d’humbles personnes croyantes pour qui l’institution est sacrée. On entendrait les mêmes discours sur le respect du sacré. Des voix s’élèveraient pour suggérer d’autres actions moins radicales.

     À plusieurs, ce passage d’Évangile est apparu trop compromettant pour l’image qu’on s’est souvent construite autour de Jésus. Dans mon enfance et plus tard aussi, j’ai souvent entendu que Jésus avait fait une « sainte colère ». J’avais vite compris alors que ce n’était pas une colère comme on en fait nous-mêmes. Jésus ne pouvait pas laisser monter en lui de tels sentiments; ce serait un manque de contrôle de lui-même évident. N’était-il pas Dieu? Je ne savais pas, ignorant que j’étais des textes de Premier Testament, que Dieu lui-même pouvait faire d’immenses colères.

     Pourtant, devant ce qu’était devenu le Temple, Jésus n’avait plus d’autre choix que de poser un geste fort provocateur et, à bien des égards, au risque même de sa vie. Le Temple était alors un lieu où on marchandait Dieu. C’en était trop. Il sent que les paroles ne suffisent plus. Il passe aux gestes qui traduisent plus fortement ce que des prophètes ont perçu comme étant la « passion de Dieu ». Ce trafic d’animaux et d’argent exaspère Jésus, qui se rend bien compte que tout cela n’a rien à voir avec la foi en Dieu.

     Ce passage de Jean nous fait voir une facette peu connue et peu commune de la personnalité de Jésus. Si Jésus avait la passion de Dieu - et il l’avait -, c’est qu’il tenait, au prix même de sa vie, à ce que cette relation à Dieu soit gratuite, gratifiante. Il tenait à ce que cette relation soit ouverture, espérance et non marchandage de toutes sortes, tant dans les gestes que les paroles. Il tente d’ouvrir le Temple qui se refermait, pour ouvrir ainsi la relation à Dieu.

     La colère de Jésus veut déranger, déplacer, interroger les juifs. Dieu ne se tient pas dans ces endroits de marchandage, mais il vit en nous à même la qualité de relations que Jésus entretient avec Lui et qu’il veut nous laisser, en mémorial, comme un chemin à suivre. Le véritable Temple doit s’ouvrir aux dimensions du monde, un monde sensible à la pauvreté des personnes. C’est un corps à bâtir dans la fragilité et la gratuité. Et c’est lorsque les paroles ne sont plus entendues, qu’il ne reste que les gestes prophétiques. Et si on sait l’interpréter, il s’agit d’un geste de résurrection. Désormais, « Dieu est partout », là où le coeur humain s’ouvre à son accueil et à l’accueil des autres.

     Tout est dit fortement dans ce geste. Nous n’avons plus à marchander Dieu ou avec Dieu, c’est un cul-de-sac. Dans nos assemblées, dans nos réflexions communes ou individuelles, il s’agit de créer un espace de gratuité, dans le pardon mutuel, dans la reconnaissance de l’autre.

     Par sa colère et ses coups de fouet, Jésus a voulu, de façon forte, rouvrir cet espace du coeur humain.

GUY LAPOINTE
Montréal

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