07/09/2008
La difficile question du pardon
La difficile question du pardon soulevée dans l'Evangile de ce dimanche (Matthieu 18,15-20) par J. Beaulac
On connaît bien la question un peu naïve de Pierre à Jésus : « Si mon frère a péché contre moi, dois-je lui pardonner jusqu’à sept fois? » Et on connaît tout autant la réponse de Jésus : « Pas sept fois mais soixante-dix fois sept fois », c’est-à-dire tout le temps et pour tout le monde sans exception.
L’apôtre Pierre parle du pardon donné à la personne qui nous a offensée : il est très important et pour l’offenseur et pour l’offensé. En effet, si la personne offensée donne son pardon, la personne offenseuse reçoit le pardon. Ainsi le pardon, comme l’amour du prochain (voir Luc 10), se trouve aux deux bouts du processus du pardon.
Pour ma part, je crois profondément que la paix intérieure personnelle de même que la paix communautaire sont à ce prix : si tu veux véritablement avoir la paix en toi et si tu veux que la communauté vive en paix, pratique le pardon donné et le pardon reçu. Si, au contraire, tu retiens ton pardon même quand ton offenseur te demande pardon, alors tu t’enfonces dans le ressentiment, dans la rancune, et tu fais beaucoup de tort à ton âme, à ton coeur et même à ton corps, en plus de faire de la peine à ton offenseur; de plus, ton attitude taciturne, morne et renfrognée, influence toute la vie commune.
Au pardon demandé par l’offenseur, il importe donc d’offrir le pardon donné par l’offensé qui engendre le pardon reçu par l’offenseur : ce cercle du pardon triple est fondamental et vital dans la vie de toute communauté et est une véritable vitamine spirituelle et psychologique pour les personnes offensées et offensantes.
Ce processus est d’autant plus important pour la vie de nos communautés que la faute est plus grande. Voyons quelques exemples récents rapportés par les médias. Y a-t-il quelque chose de plus terrible qu’un enlèvement d’enfant, que le meurtre de jeunes dans un autobus ou dans un bois ou que des agressions sexuelles sur des mineurs? En ces cas, il importe de distinguer entre le crime et le péché, entre le criminel et le pécheur. Les meurtres et les agressions sont des crimes au sens de la loi humaine et, comme tels, ils doivent être jugés et condamnés. Et les criminels doivent purger la sentence que la justice humaine leur impute. Mais les meurtres et les agressions, aux yeux de la foi, sont également des péchés et, comme tels, ils sont toujours pardonnables par Dieu... et aussi par nous.
S’il importe au plus haut point de s’occuper des victimes et des proches des victimes en exerçant de la compassion, en exigeant des compensations financières et autres, en s’en occupant de mille manières, comme s’y emploient si bien et si fort des organismes fondés expressément pour cela, il faut également s’occuper des pécheurs que sont les meurtriers, les violeurs d’enfants, etc., non seulement en les faisant réfléchir en prison et en leur offrant des thérapies pour les guérir si possible et les réhabiliter, mais aussi en leur offrant le pardon de Dieu, le pardon des autres et en les amenant à se pardonner à eux-mêmes.
Il n’y a pas de paix possible, véritable et profonde, ni pour les victimes et leurs proches ni pour les coupables, sans pardon demandé, sans pardon donné et sans pardon reçu. Je sais bien, par expérience personnelle et par expérience d’aumônier de prison, que ce processus en trois temps n’est ni simple ni facile mais je sais aussi qu’il est vital et qu’en bout de ligne il fait tellement de bien à tous, offenseurs et offensés. « Ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l'amour mutuel », nous rappelle avec beaucoup d’à-propos saint Paul dans la deuxième lecture.
On pourrait continuer la liste des exemples longtemps. Qu’on pense à ce coureur du Tour de France qui s’est dopé à l’EPO mais qui a reconnu son « erreur de jeunesse » et le tort qu’il a fait à ses équipiers et aux jeunes qui l’admiraient : il encourra une peine émanant de la justice humaine; mais ne mérite-t-il pas d’être pardonné par Dieu, par nous et par lui-même?
Voici des crimes connus et graves, mais il y a aussi ce qui empoisonne souvent la vie des communautés, ces petits coups d’épingle que l’on reçoit et que l’on donne et que l’on n’oublie pas, ces personnes que l’on critique et qui nous critiquent et qui s’installent dans notre mémoire, ces personnes qui nous fatiguent et que nous fatiguons, ces personnes qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas et qui nous enquiquinent et que nous enquiquinons... Pour elles aussi, joue le processus du pardon en trois temps. Prier le Seigneur de nous donner un coeur de pardon demandé, donné et reçu, constitue l’une des plus belles prières qui soit.
08:00 Publié dans Réflexions spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0)
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