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15/09/2011

Toucher la lumière

Toucher la lumière

Lumière.jpg


Par une nuit de pleine lune

essaye de fixer la galaxie

Tu verras qu’elle est cours d’eau

avec tes bras pour affluents

ta poitrine pour estuaire

 

Aujourd’hui le ciel a écrit son poème

à l’encre blanche

Il l’a appelé neige

 

Ton rêve rajeunit tandis que tu vieillis

Le rêve grandit en marchant

vers l’enfance

 

Le rêve est une jument

qui au loin nous emporte

sans jamais se déplacer

 

Le nuage est las de voyager

Il descend à la plus proche rivière

pour laver sa chemise

A peine a-t-il mis les pieds dans l’eau

que la chemise se dissout

et disparaît

 

Une rose sort de son lit

prend les mains du matin

pour se frotter les yeux

 

Le palmier parle avec son tronc

la rose avec son odeur

 

Le vent et l’espace vagabondent

main dans la main

 

Arc-en-ciel ?

Unité du ciel et de la terre

tressés en une seule corde

 

Il marche sur les versants de l’automne

appuyé au bras du printemps

 

Le ciel pleure lui aussi

mais il essuie ses larmes

avec le foulard de l’horizon

 

Quand vient la fatigue

le vent déroule le tapis de l’espace

afin de s’y allonger

 

Dans la forêt de mes jours

aucune place

sauf pour le vent

 

Pour toucher la lumière

tu dois t'appuyer sur ton ombre

 

Je sens parfois que le vent

est un enfant qui crie

porté sur mes épaules

 

Comment décrire à l’arbre

le goût de son fruit ?

A l’arc

le travail de la corde ?

 

Telle une main

la lumière se déplace

sur le corps des ténèbres

 

C’est l’épaule de l’espace

qui s’effondre là-bas

sous les nuages noirs

 

L’espace dans l’œil de la guillotine

est lui aussi tête à couper

 

Tu ne peux être lanterne

si tu ne portes la nuit

sur tes épaules

 

Je conclurai un pacte avec les nuages

pour libérer la pluie

Un autre avec le vent

pour qu’il nous libère

les nuages et moi

 

La parole est demeure dans l’exil

chemin dans la patrie

 

Qu’il est étrange ce pacte

entre les vagues et le rivage –

le rivage écrit le sable

les vagues effacent l’écriture

 

Mémoire – ton autre demeure

où tu ne peux pénétrer

qu’avec un corps devenu

souvenir

 

 

Adonis, in Toucher la lumière, Ed. Fata Morgana, 1997. Ouvrage d’artiste en édition limitée à 30 exemplaires, comportant chacun une peinture originale de Farid Belkahia.

Texte traduit de l’arabe par Anne Wade Minkowski.

 

00:00 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (4)

Commentaires

Ce superbe poême m'évoque "Odes mystiques" du soufiste Djalâl al-din Rûmi -

un tout - tout petit extrait :

"J'étais neige, à tes rayons je fondis ;
La terre me but ; brouillard d"esprit,
Je remonte vers le Soleil"

Martine

Écrit par : Martine | 15/09/2011

C'est le genre de poèmes qu'on aimerait écrire

"Qu’il est étrange ce pacte

entre les vagues et le rivage –

le rivage écrit le sable

les vagues effacent l’écriture"

C'est simplement dit, ça suscite l'émerveillement et un questionnement.
La poésie est bien aux carrefours du sens (direction, signification et sensualité presque)

Écrit par : thierry | 15/09/2011

...Inspiration lumière, tu envahis mon coeur d'un univers bonheur...
...Lumière d'amour, que l'on espère pour toujours...
...Et pour un peu de tes rayons...
... Je viens chérir ton nom...

Écrit par : Dominique Grimaldi | 15/09/2011

Je suis bien d'accord avec vous Thierry - la poésie est bien au centre de ces 3 significations du mots "SENS" y compris la sensualité au sens ethymologique du mot et non le sens galvaudé qu'on lui donne aujourd'hui
ET j'ose rajouter un homonyme "SANS" qui souvent y trouve sa place.
Martine

P.S. le refrain de la" sérénité" de ce vendredi - je l'attribuais jusqu'à ce jour à Jacques Lacan (il n'a donc fait que le re-utilisé !)

Écrit par : Martine | 16/09/2011

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