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29/05/2012

Où est Dieu?

point d'interrogation ciel.jpgComme l’écrit Oscar Wilde, «c’est très ennuyeux de croire et très passionnant de douter, être en état d’alerte, c’est vivre, se laisser bercer par un sentiment de sécurité, c’est mourir», autrement dit se sentir libéré du doute peut conduire à s’enfermer dans un ghetto de certitude.

Plus le monde voit se déchirer le voile de l’ignorance, plus il s’interroge sur le sens de cet affranchissement des limites.

Nous avançons en effet avec notre machette dans la jungle ou notre lampe frontale dans l’obscurité, en nous réjouissant de l’ouverture et de la lumière, tout en nous effrayant de ce que le chemin ouvert par la machette et la lumière, se soit refermé à notre insu derrière nous.

L’homme cherche alors à retrouver ses traces et la Bible lui devient alors de plus en plus précieuse, non pas comme une boussole qui lui montrerait le nord, mais comme une confiance dans ce qui nous dépassera toujours, une ouverture vers «l’ailleurs» de la pensée. À mesure que l’infini des galaxies interroge l’astronome, l’humilité le saisit en lui révélant justement que l’inconnu s’accroît à mesure que le connu se dévoile.

Le choix n’est donc pas entre une sorte de bioreligion incarcérant Dieu dans nos pauvres synapses neuronales, sans cesse tentées par des preuves aussi pathétiques que vaines et une religion aux références théologiques fixées une fois pour toutes par nos dérisoires normes anthropologiques.

Une religion figée dans ses représentations ne permet plus d’accéder à l’essentiel c’est à dire le mystère de ce qu’il y a, avant les mots, avant les images. Dieu qui a fait l’homme à son image ne signifie pas, bien sûr, que cette image est celle de son corps, mais celle de son esprit, c’est-à-dire une image qui ne soit pas prisonnière de nos représentations, mais au contraire antérieure à celles ci. Si la science ne nous dira jamais rien de Dieu, sinon en nous offrant des métaphores plus aveuglantes qu’éclairantes, la religion doit éviter les mêmes chemins métaphoriques. Plus que des conduites rationnelles de pédagogie primaire plus rassurante qu’enseignante, les paraboles ont en effet pour finalité de remettre en question nos certitudes laissant place pour l’éternité à un questionnement sans fin.

ou_est_dieu.jpgLes Evangiles lorsque qu’ils racontent l’Annonciation ou la multiplication des pains, ouvrent toujours sur l’impasse de la volonté de maîtrise humaine, son illusion de puissance au profit de la fragilité d’un message fondé avant tout sur la confiance et l’espérance. Il n’y a guère de différence entre une science qui confectionne ou invalide Dieu et une religion qui le met en scène théâtralement hors champ au lieu de le mettre au cœur de chaque être. La foi n’a guère à être intimidée par la science qui ne dit rien d’autre de l’humain qu’une description sans fin, qu’un inventaire toujours plus complexe. Mais il y a un risque de compromission à demander des preuves historiques, génétiques, moléculaires, de la révélation divine ou des miracles.

Bien au contraire la lecture de la Bible nous invite à une autre lecture du monde, celle de l’attente de l’Annonciation, une attente qui s’oppose au présent obsessionnel de la science.

C’est cette attente pleine d’espérance qui nous fonde et non cette relation réflexe d’un vivant tétanisé par une actualité paralysante ! C’est l’attente qui donne sens au texte de Beckett «en attendant Godot» et permet la relation à l’autre et dénonce la vanité du sentiment de maîtrise, qu’il s’agisse par exemple de celle du début ou de la fin de la vie l’homme qui croit s ‘affranchir de son destin en le provoquant ou en pensant le maîtriser perd cette étrange richesse d’une attente porteuse d’espérance.

C’est l’attente d’un enfant qui donne sens à la vie, pas l’échographie qui renvoie l’image de Narcisse à sa vanité… Notre société qui attend tout du présent ne supporte plus l’attente. Tout savoir tout de suite, la sécurité pour maintenant… «Se laisser bercer par un sentiment de sécurité, c’est mourir….»

D’où la prudence avec laquelle la religion doit déclarer que telle ou telle procédure scientifique est, ou non, indigne. Au nom de quelle légitimité ? Celle de la science du présent ou du sens d’une espérance, qui rappelle que venir en aide à celui qui est le plus vulnérable la fondera toujours plus que notre certitude de bonne conscience immédiate, l’attente d’un futur ouvert ou d’une prothèse immédiate ?

Dieu n’est pas au bout de notre lunette astronomique. Il est là tout simplement au fond de nous-mêmes, attendant notre disponibilité. Dieu est là où justement on ne l’attend pas. Il n’est pas au fond d’un tube comme un génie enfermé. Il est là attendant simplement qu’on lui ouvre la porte.

L’avenir spirituel de l’homme est plus dans ce message de l’Annonciation peint par Fra Angelico touché par la grâce que dans nos vains bavardages qui cherchent dans le présent la preuve d’une histoire qui serait désormais close. Il est dans cette humilité reconnaissante de se savoir aimé avec la liberté d’accepter ou de refuser cet amour.

Didier Sicard

 

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