07/06/2012
Lettre à ma mère (extrait)
En écho à la Fête des Mères
C'est un moment très dur pour moi. Ils demandent des preuves de vie brusquement et je t'écris mon âme tendue sur ce papier. Je vais mal physiquement. Je ne me suis pas réalimentée, j'ai l'appétit bloqué, les cheveux me tombent en grande quantité. Je n'ai envie de rien. Je crois que c'est la seule chose de bien, je n'ai envie de rien, car ici, dans cette jungle, l'unique réponse à tout est "non". Il vaut mieux, donc, n'avoir envie de rien pour demeurer au moins libre de désirs. [...]
[Mes enfants,] La vie est devant eux, qu'ils cherchent à arriver le plus haut. Etudier et grandir : non seulement par ce qu'on apprend intellectuellement, mais aussi par l'expérience humaine, les proches qui alimentent émotionnellement pour avoir chaque jour un plus grand contrôle sur soi, et spirituellement pour modeler un plus grand caractère au service d'autrui, où l'ego se réduit à sa plus minime expression et où on grandit en humilité et force morale. L'un va avec l'autre. C'est cela vivre. [...]
Nous devons encore penser à notre origine, à qui nous sommes et où nous voulons aller. Moi, j'aspire à ce qu'un jour nous ayons la soif de grandeur qui fait surgir les peuples du néant pour atteindre le soleil. Quand nous serons inconditionnels face à la défense de la vie et de la liberté des nôtres, c'est-à-dire quand nous serons moins individualistes et plus solidaires, moins indifférents et plus engagés, moins intolérants et plus compatissants. Alors, ce jour-là, nous serons la grande nation que nous voulons tous être. Cette grandeur est là endormie dans les coeurs.
Ingrid Betancourt, otage du 23 février 2002 au 2 juillet 2008, traduction Hervé Marro, Le Monde, 4 décembre 2007
00:00 Publié dans Réflexions spirituelles | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
j'aime bien aussi ce que Aung San Suu Kyi a pu dire dans l'un de ses discours les plus connus : LIBEREZ-VOUS DE LA PEUR
quelques petits extraits :
"Ce n'est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur de perdre le pouvoir pour ceux qui l'exercent; et la peur des matraques pour ceux que le pouvoir opprime... Dans sa forme la plus insidieuse, la peur prend le masque du bon sens, voire de la sagesse, en condamnant comme insensés, imprudents, inefficaces ou inutiles les petits gestes quotidiens de courage qui aident à préserver respect de soi et dignité humaine. Un peuple assujetti à une loi de fer et conditionné par la crainte a bien du mal à se libérer des souillures débilitantes de la peur. Mais aucune machinerie d'Etat, fût-elle la plus écrasante, ne peut empêcher le courage de resurgir encore et toujours, car la peur n'est pas l'êtat naturel de l'homme civilisé."
"La haine et la peur vont toujours ensemble. Je n'ai pas de haine c'est pourquoi je n'ai pas peur. Je ne sais pas ce qu'est la haine car mes parents ne me l'ont jamais enseignée. Ce serait un échec pour moi-même si un jour je commençais à avoir de la haine pour les personnes qui m'ont emprisonnée."
"Vous ne pouvez-vous pas rester assis et vous contenter d'envoyer simplement des signes d'affection. L'Amour véritable doit se traduire en actes."
"Plus nous souffrons de la repression plus nous prônons la compassion pour ne pas dévier de notre chemin. Nous devrions, au contraire, apporter plus de compassion dans nos actes".
"Je ne pouvais-pas en tant que fille de mon père rester indifférente à ce qui se passe"
C'est aussi un bien joli cadeau pour la fête des pères !...
"
Écrit par : Martine | 10/06/2012
Merci,Martine, pour cette très belle page.
Écrit par : thierry | 11/06/2012
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