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27/06/2014

Ostentation

maurice_zundel.jpgOstensoir, ostentation, tentation. Ces quelques réflexions de Maurice Zendel dans un écrit de 1963 sont intéressantes quelques jours après la Fête-Dieu et un retour des processions d'antan. Voici ce qu'il dit:

Il est évident que, si l’homme de la rue est si souvent complètement étranger à ce qui ‘se passe dans nos églises, c’est parce qu’il ne s’y passe aucun événement susceptible de le toucher tant soit peu. II ne s’y sent aucunement atteint et concerné au plus intime de lui-même.

Il y a une religion apparente qui ne suppose aucun engagement profond. Cela est extrêmement grave, et nous pouvons nous demander jusqu’à quel point ce n’est pas à propos de l’Eucharistie qu’on en est arrivé à une confusion aussi radicale sur l’essence même du message de Jésus.

Une sorte de matérialisme religieux, le pire de tous; peut tragiquement s’établir autour de l’Eucharistie : on a un palladium, un paratonnerre céleste, sur la maison, on peut dormir tranquille, Dieu est là dans sa petite boîte et on le tient constamment à sa disposition.

S’est-on suffisamment interrogé sur la valeur de nos communions? sur la valeur de celles des petits enfants ? Que donnent-elles ? Que changent-elles ?

Dans les communions sans engagement, où l’on compte sur l’opus operatum (un effet immanquablement produit du fait que l’on reçoit le sacrement), dans les communions où mécaniquement l’on doit être sanctifié parce qu’on a ouvert la bouche ou tendu la main pour recevoir l’hostie : il y a là quelque chose d’extrêmement dangereux parce qu’on ne voit plus du tout l’exigence qui est à la base d’une véritable conversion, et qui suppose une nouvelle naissance; on ne voit plus l’exigence de la communion qui implique cette transformation radicale où l’on passe du moi possessif au moi oblatif. Combien de prêtres même qui célèbrent la messe tous les jours peuvent, peut-être, en être encore là ?

Resituer l’Eucharistie dans la perspective évangélique

Il nous faut donc resituer l’Eucharistie, il faut la situer là où la vie de l’Église doit retrouver son unité, il faut la situer à sa place, c’est-à-dire dans la perspective évangélique qui s’impose à nous dans les derniers entretiens du Seigneur avec ses disciples.

La dernière consigne qui retentit en toutes les pages du récit johannique, c’est que "vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés". Et cette consigne est aussi le critère qui fait reconnaître les disciples de jésus : "C’est à cela que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres."

Et, pour donner une leçon de choses à ses disciples, Jésus leur lave les pieds. "Voilà ce que c’est que d’aimer son prochain : ce que j’ai fait, c’est afin que vous vous le fassiez vous-mêmes les uns aux autres."

Aussi curieux que cela paraisse, l’Eucharistie semble avoir disparu, elle n’est même pas nommée en cet endroit : pourquoi ? Parce qu’elle est implicitement contenue dans ce mandatum (ce lavement des pieds). Elle est implicitement contenue et dans le mandatum et dans la consigne ultime du Seigneur, "Aimez-vous les uns les autres", parce que c’est exactement la même chose.

"Il vous est bon que je m’en aille"

Rappelons-nous cette parole tragique de Jésus au cours du discours après la Cène : "Il vous est bon que je m’en aille car, si je ne m’en vais pas, le Paraclet, l’Esprit Saint, ne viendra pas à vous." Comment ne pas voir dans ces paroles l’aveu d’un échec ? Jésus n’a converti personne… personne ! Ni la foule, ni les prêtres, ni les autorités, ni Hérode, ni ses disciples, ni même le disciple bien-aimé qui s’endormira comme les autres tout à l’heure au jardin de l’Agonie : il n’a converti personne.

Et l’appel suprême qu’il adresse à ses disciples au lavement des pieds restera sans écho : ils ne comprennent pas que le royaume de Dieu est au-dedans d’eux-mêmes.

Ils ne comprendront pas que c’est pour faire éclore ce royaume intérieur que Jésus se met à genoux devant eux pour leur laver les pieds, et ils ne comprennent pas davantage que c’est pour desceller la pierre de nos coeurs que Jésus meurt sur la croix. Et la dernière question qu’ils poseront à Jésus juste avant l’Ascension sera significative de cette totale incompréhension.

L’humanité de jésus doit donc disparaître! Et ce n’est que dans l’invisible, dans le feu de la Pentecôte, qu’ils retrouveront leur Maître comme une présence intérieure à eux, ils ne le verront plus désormais devant eux mais au-dedans d’eux, et c’est à ce moment-là qu’ils le reconnaîtront. Peut-on dès lors imaginer un seul instant que Notre Seigneur nous ait donné l’Eucharistie pour que nous refabriquions avec ce sacrement un culte idolâtrique, pour que nous puissions le posséder là, à la portée de notre main, en l’enfermant dans une boîte pour qu’il soit bien à nous ? Peut-on concevoir un pareil matérialisme de la part du Seigneur ? Peut-on imaginer qu’il ait dérobé sa présence visible aux Apôtres pour nous restituer dans l’hostie un foyer d’idolâtrie, comme si nous pouvions disposer de Dieu comme on le fait d’un objet ? C’est absolument impossible, c’est exactement le contraire qui se passe quand Jésus nous donne l’Eucharistie.

 

Maurice Zundel

La Rochette, 1963

(Source)

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