Poésie et beauté

La poésie n'est pas un exercice de la raison comme la philosophie. Sa force, sa beauté, sa grâce ne viennent pas d'un discours. La poésie naît d'un emploi particulier qu'un artiste fait de la langue: par le jeu subtil des sonorités, des rythmes, des images, il nous fait entrer dans un frémissement particulier de la vie humaine. Elle suggère plus qu'elle n'exprime et vise à toucher d'abord la sensibilité.

C'est pourquoi un authentique poète, dans son acte de création, se maintient au plus près de son émotion pour n'en rien perdre et pour nous le transmettre. Il nous communique ainsi une connaissance réellement éprouvée, plus riche, plus vive, à cause de ce pouvoir qu'elle a de nous émouvoir sans raisonnements et de nous rejoindre l'âme. Le poète, par le soin qu'il met à son art, par son attention, son éveil, par l'amour qui l'habite, nous fait partager un moment de sa sensibilté. Il nous donne de ressentir ce qu'il ressent, et nous introduit dans le mouvement de sa contemplation.

La beauté s'unit intimement à la poésie, très souvent. Mais la poésie chrétienne évite de se complaire, de s'attarder, à ce qui deviendrait un procédé esthétique: avant toute chose, un croyant veut aller vers son Seigneur, comme un ami tend à rejoindre son ami; c'est son inquiétude, c'est le désir de son âme. Et si la beauté habite son poème, c'est qu'il sent bien qu'elle lui indique le meilleur chemin vers Dieu. Car Dieu est la beauté même. Ainsi l'entraîne vers le divin la prière ennoblie par la beauté, la méditation contemplative soutenue par la vision poétique. C.A. (prêtre et aquarelliste)