16/10/2011
Homme
HOMME
Tu as jeté au loin ta peau de bête originelle,
Tu as arraché tes mains de la terre
Et les as lancées vers le ciel.
Tu t’es élevé et sur ta tête fière
Sur ton front s’est versé le soleil.
Tes doigts agiles ont ensorcelé la pierre,
Le bois et les métaux et l’onde claire,
Tu as dompté le vent sauvage,
Et asservi le feu que tu as rendu sage.
La matière devenue machine et, à ton gré,
A travaillé, couru et traversé l’espace
En hurlant ta puissance à la face
du Monde émerveillé,
Tu as donné la mort, tu as donné la vie,
De ton souffle la Gloire a jailli.
Quand ta voix rauque a appelé l’amour,
Elle s’est fondue en une douce mélodie
Sur les champs et les fleurs alentour.
Les battements de ton cœur résonnent
dans les roseaux sous la lune claire,
Tu entends leurs douces homélies,
Devant toi le monde s’éclaire
Mais ton âme garde en son sein ton envie,
Un règne sans limite, majestueux, sans voile,
Telle une immensité enceinte d’une étoile.
Contemplant ton œuvre du sommet de Babylone,
Tu défies le Ciel, en lui lançant, arrogant, ton nom: HOMME !
Ö, combien j’ allumerais, au sommet des montagnes
De grands feux de joies,
je carillonnerais mille et mille fois,
à travers l’espace tes louanges,
Je te porterais sur mon dos jusqu’à l’apothéose,
Je serais ton adorateur, et danserait jusqu’à l’osmose
En d’éternelles danses bachiques et étranges.
Ö Frère, cher et aimé
Ô Frère pitoyable,
Ô Frère haïssable,
Ô Frère mille fois pleuré,
Nourri de l’essence de mon cœur,
Ma honte et ma douleur : HOMME !
Las ! L’hymne glorieux se délite, et saigne
Les feux de joie s’endorment sous les cieux
Leur fumée brûlent tes yeux,
Les cloches s’éteignent
Les fleurs, trempées dans le venin
Sa fanent, merveilles sans lendemain.
Que reste-t-il à admirer ?
La beauté du geste qui tue ?
Qui adorer ?
L’Ange déchu ?
Que chanter ?
Des plaintes et gémissements dans l’ombre?
Que danser ?
Le bal de la mort sur les décombres? .
Pourquoi même parler ? Tu le sais bien, l’horreur
Des mots blesseraient l’orateur.
Las, tout est vain !
La seule voie pour fuir ton erreur
Est de partir, sans fin,
Loin de toi, se réfugier dans les yeux innocents
Des animaux fidèles, dans la douce ramure s’élançant
Vers le ciel immense, puis, sans repère,
Et enfin te terrer dans le tragique silence de la pierre..
Koloman KALOCSAY, poète d'Océanie
( traduction de l'esperanto de L. SCHUELLER-LEROY et Pierre HUMBERT )
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