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10/06/2014

Blaise Pascal, la nuit de l'extase

ob_fdbb7b_pascal.jpgS’abstraire, ne serait-ce que quelques jours, voire quelques mois, de la trivialité de son époque, ne plus écouter le brouhaha du monde, débrancher télévision, radio et Internet, cesser d’ouvrir les journaux, voilà qui est à la portée de chacun, geste salutaire que nous ne pratiquons, en général, que durant la brève parenthèse des vacances. L’écrivain Xavier Patier est allé plus loin : en proie à un subit dégoût de ce qu’est devenue la France, non content de se mettre en congé de l’actualité, il s’est exilé, six mois durant, dans le passé, coupant les ponts avec notre “bel au jour d’hui” et ne lisant plus que des ou vrages vieux d’au moins cent ans. Les Pensées de Pascal lui étant tombées entre les mains, il s’est transporté dans la seconde moitié du XVIIe siècle, enquêtant sur le mystérieux Mémorial de 1654, ce mémento mystique, cousu dans la doublure d’un pourpoint, où l’auteur des Provinciales a consigné le foudroiement de sa conversion : « oubli du monde et de tout hormis DIEU ». Qu’a donc voulu dire Pascal dans ce texte elliptique et énigmatique ?

Entre une chasse à courre et un pèlerinage sur les lieux hantés par l’écrivain, Xavier Patier s’est mis sur la voie, s’évertuant à débusquer ce qui a pu se passer durant les deux heures décisives, entre 22 h 30 et minuit et demi, ce fameux samedi du 23 novembre 1654 qui a fait du savant et du mondain menant dix projets à la fois, prodiguant son génie à travers découvertes et publications scientifiques, un homme nouveau, soumis totalement au Christ et « éternellement en joie pour un jour d’exercice sur la terre ». Avec un vrai don d’empathie, Patier a relevé le défi de se mettre dans la peau et l’âme de Pascal, avant et après l’extase de 1654, où le géomètre sûr de lui, inquisiteur et péremptoire s’ouvre non pas au dieu des philosophes et des savants mais à celui des humbles, des purs et des candides. Réfutant l’explication simpliste de l’accident de circulation qui, huit jours avant “la nuit de l’extase”, faillit lui coûter la vie et aurait précipité le miraculé dans une crise psychologique et mystique, il démêle, avec l’intelligence du coeur, les tours et les détours par lesquels Pascal fait un hourvari, dans la joie et la réconciliation avec lui-même, vers la foi des premiers convertis.

Bien des auteurs se sont penchés sur Pascal et sa conversion, et non des moindres, comme Mauriac et Claudel. Sur un sujet battu et rebattu, Xavier Patier, pourtant, fait oeuvre inédite. Car ce n’est pas en historien ni en théologien qu’il se livre à une pénétrante, éblouissante exégèse d’une des plus célèbres conversions de l’Histoire, mais en compagnon spirituel, en chasseur d’absolu, taraudé par les mêmes interrogations qui tourmentèrent l’auteur des Pensées, et n’hésitant pas à dresser un parallèle entre notre molle époque relativiste et celle des guerriers de la foi que furent les jansénistes, ces mal-aimés de notre histoire dont il se plaît à honorer la grandeur. À travers ce pèlerinage spirituel, confie-t-il, lui qui avait connu la tentation de l’exil intérieur a fait la paix avec son temps :« J’ai décidé d’aimer mon époque parce que Blaise Pascal a aimé la sienne. Je l’aime aussi par élan, car elle est infinie […]. » De sa billebaude dans les forêts du passé, c’est un Pascal contemporain et vivant qu’il ressuscite avec éloquence et bonheur, et qu’il nous propose en éternel maître de vie.  (B. de Cessole)      Source

Blaise Pascal, la nuit de l’extase, de Xavier Patier, Cerf, 180 pages, 17 €.

Je viens de finir la lecture de ce livre plaisant comme tous les livres de Xavier Patier, toujours facile à lire et toujours enrichissant. Ici, comme le commentaire ci-dessus le dit si bien, ça fait du bien de tremper dans une autre époque et d'être en compagnie de Pascal pour découvrir qu'aujourd'hui nous vivons le plus souvent à la surface des choses, sans âme, sans aucune profondeur. Malraux disait que le XXIème siècle serait spirituel; déjà presque quinze ans qu'il est commencé et je trouve que ça tarde. Il est sûr que le spirituel ne sera pas dans les garde-robes ecclésiastiques et les sacristies poussiéreuses, mais dans un idéal, un horizon et une colonne vertébrale que l'homme saura recevoir pour sortir de lui-même, de sa suffisance de pacotille, de sa fausse générosité.   TP

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