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16/04/2016

Lettre d'un migrant

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Maman,

Un an que je suis parti, un an que tu es partie aussi. Tu vis au pays des étoiles et moi je ne suis d’aucun pays. J’ai beaucoup pensé à toi tous ces mois, une façon de noyer mon chagrin.

Tu sais, j’ai veillé sur papa et pépé. Papa ne dit pas grand-chose, il ne me parle pas de toi, il se mure dans son chagrin. Pépé, lui, regarde toujours droit devant ; les bombardements l’ont rendu sourd, il n’entend plus, ne marche plus… mais tout cela tu le sais déjà puisque du royaume des étoiles tu nous regardes et tu veilles sur nous.

Avec cette lettre je commence un cahier. C’est à toi que je veux raconter notre histoire. Tu vois, je maîtrise le français maintenant, je pense même en français parfois, les gens du Secours Catholique qui m’apprennent la langue me disent que c’est bon signe, que je deviens un des leurs, que bientôt je pourrai travailler, car aujourd’hui je ne travaille toujours pas. Sans papiers, comme ils disent, on n’existe pas, on a le droit à rien. Et quand on ne sait pas lire, aucun patron ne veut de nous sous prétexte qu’il y a des consignes de sécurité à respecter et que si on ne sait pas les lire on peut mettre tout le monde en danger. Il est bizarre ce pays avec toutes ses lois !

Tous les trois, nous vivons dans un locatif. Nous avons tout ce qu’il nous faut, bien plus que chez nous mais moins que nos voisins, ici les gens amassent beaucoup, si tu voyais les caddies remplis qui sortent du supermarché !

On s’occupe beaucoup de nous, mais on aime bien aussi se retrouver entre nous. C’est dans ces moments-là que papa parle un peu. Un jour, il a prononcé ton prénom avec une larme au coin des yeux, puis s’est tu. Je n’ai pas osé lui demander si tu lui manquais, c’est tellement évident. Un jour il le dira, j’en suis sûr.

La France est un beau pays, mais comme chez nous il y a de la boue quand il pleut. C’est bête de dire ça, mais dans les rêves que je faisais il n’y avait jamais de boue. Mais plus grave des gens nous regardent d’un mauvais œil. Certains vont même jusqu’à dire qu’on a des droits qu’ils n’ont pas alors ça les rend méchants, je dirais même racistes. Parfois j’entends des réflexions, je ne les comprends pas toutes, je garde ça pour moi car je ne veux pas que papa et pépé apprennent.

A toi, je veux bien continuer à te raconter tous mes petits secrets. Je veux aussi que tu sois fière de moi, de nous. Je sais que là-haut tu es devenue ma bonne étoile. Toutes les nuits, je regarde le ciel, il y a beaucoup moins d’étoiles que chez nous, mais j’en vois toujours quelques-unes et parmi elles je sais que tu es là. Et je fredonne toutes les nuits avant de m’endormir la chanson que tu me chantais quand j’étais tout petit tandis que nous regardions le ciel dégagé de la fumée des bombes. Déjà avec toi je vivais d’espoir.

A bientôt, maman.

Elyas

 

TP

Commentaires

Cette "lettre" d'un petit migrant qui s'est réfugié dans un pays dans lequel, dans ses rêves les plus optimistes, il ne voyait pas de boue est terriblement vraie! La boue quand il pleut certes, mais aussi la boue dans les mots et attitudes de certains individus que l'on conditionne à la peur et à l'égoïsme. C'est un très bel exercice et combien existe-t-il de petits Elyas dans l'attente d'un bonheur retrouvé et non pas seulement rêvé! Beaucoup de chemin à faire pour cette Europe qui n'arrête pas de naître pour mieux se fourvoyer!

Écrit par : Alezandro | 23/04/2016

Belle réflexion à laquelle je souscris totalement. Merci pour votre passage régulier sur ce blog.

Écrit par : thierry | 25/04/2016

Les commentaires sont fermés.