27/08/2016
La vie antérieure

J'ai longtemps habité sous de vastes portiques 
 Que les soleils marins teignaient de mille feux, 
 Et que leurs grands piliers, droits et majestueux 
 Rendaient pareils le soir, aux grottes basaltiques. 
  
Les houles, en roulant les images des cieux, 
 Mêlaient d'une façon solennelle et mystique 
 Les tout-puissants accords de leur riche musique 
 Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux. 
  
C'est là que j'ai vécu des voluptés calmes, 
 Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs 
 Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs, 
  
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes, 
 Et dont l'unique soin était d'approfondir 
 Le secret douloureux qui me faisait languir.
Baudelaire: les Fleurs du mal
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