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06/06/2020

22 mn de rires

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05/06/2020

La poésie, notre refuge

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Gilbert Lely disait de l’œuvre de Lautréamont qu’« elle est la seule qui pourrait être feuilletée sans ridicule une heure avant la fin du monde… »

Une heure avant la fin du monde : c’est le sentiment que beaucoup d’entre nous ont éprouvé pendant le temps de confinement. Et avec cette impression, un immense besoin de poésie. J’entends par là, la soif d’une vérité de parole dont nous pensions, hier encore, que nous pouvions la liquider sans état d’âme. Nous avions la certitude qu’en troquant la profondeur pour la frivolité, la joie pour le plaisir, l’être pour l’avoir, nous serions débarrassés à jamais des questions qui fâchent et des inquiétudes de l’âme. Mais, réduits au silence et à l’immobilité, privés de tout ce qui nous tenait lieu de distraction et de tranquillisant, et dès lors contraints à nous chercher – qui étions-nous, que voulions-nous –, nous avons su que rien de ce qui nous était imposé comme les clés du bonheur n’aurait jamais le pouvoir de nous consoler.

Mais la poésie, oui, elle a ce pouvoir. Yves Bonnefoy l’avait évoqué lors d’une de mes visites rue Lepic, il y a quelques années. Lui qui se défendait de croire en Dieu et parlait volontiers des peintures gothiques, de Byzance et de Fra Angelico, m’avait répété ce qu’il avait écrit dans un chatoiement de formes différentes, mais toujours avec la même lumière : « Je voudrais réunir, je voudrais identifier presque la poésie et l’espoir. » J’avais été éblouie par la formule et ce qu’elle ressaisissait d’évidence : la poésie nous offre un refuge lorsque nous voulons entendre ou dire, au plus juste, ce que nous voyons dans notre traversée du temps et de ses tragédies. De là que la Poésie est le contraire de la parole marketing, le contraire des fausses informations, le contraire de la propagande politicienne. Les politiques le savent qui ont mis à mal nombre de poètes, ainsi, pour le seul XXe siècle, Ossip Mandelstam en URSS, Robert Desnos en France, et tant d’autres, de Paul Celan à Anna Akhmatova. Comme le temps, elle est complice de la vérité, de là la tentation de la nier, d’interdire ses perspectives.

De là encore qu’elle s’oppose à « l’horreur économique », comme l’a exprimé Rimbaud, et nous ramène à la vérité de la parole. Elle rend aux mots l’âme de ce qu’ils nomment une âme toujours intacte, souligne encore Yves Bonnefoy (1). C’est la raison pour laquelle, nous en ressentons le besoin, en ces temps plus que jamais. En cela, la Poésie partage avec la religion et le sacré, sans se confondre avec eux, le pouvoir de nous replacer à la fois dans ce qu’il y a de plus concret et de plus ineffable : elle nous unit, par le verbe, aux émotions du monde.

Aujourd’hui, où je parle d’elle, je voudrais rendre deux hommages. Le premier, à mon cher ami Salah Stétié, qui m’avait dit qu’à ses yeux toute femme était Marie. Il a disparu le 19 mai dernier et repose désormais au côté de Blaise Cendrars, qu’il admirait. Salah Stétié a fêté le poète comme un voyageur « témoin de l’essentiel » (2). Libanais, il a reverdi, en français, le dialogue immémorial entre poésie et mystique, Orient et Occident, éclairant tour à tour chacun des deux à la lumière de l’autre.

L’Orient à celle du Romantisme allemand, l’Occident aux lueurs de Byzance. Musulman, sunnite, il était proche des chrétiens et souffrait dans sa chair qu’on tue au nom de sa religion ; il donnait à son refus une raison précise, une raison de poésie : l’amour de la vie.

Mon deuxième hommage est pour Jean Lavoué, poète et essayiste, et le très beau livre (3) qu’il a consacré au poète breton René Guy Cadou, (1920-1951) qui avait consolé sa femme et ses amis de sa mort à 31 ans par ces mots : « Le temps qui m’est donné, que l’amour le prolonge. » Voilà, ressuscitée sous la plume de Jean Lavoué, l’œuvre prolongée de ce jeune homme, qui a accompli le vœu de Bonnefoy : « Réunir, identifier presque la poésie et l’espoir. » Ce qui émeut dans ce livre, c’est aussi ce passage de témoin d’un poète à l’autre, de celui qui, doté « d’une puissance d’éveil sans pareil » devient pour le second, Jean Lavoué, « un témoin privilégié de ce qu’être habité par le mystère de l’Autre signifie et signifiera de plus en plus en ces temps de croyances vacillantes ».

« Mon Dieu, éveille-Toi, je suis Ton serviteur », priait René Guy Cadou. Il convient de déchiffrer ce poème à la façon que préconisait Armel Guerne :

« On ne lit pas un poète pour se prendre aux paroles, se captiver aux mots, mais pour aller où ils disent : l’œuvre n’est pas en eux, mais dans l’itinéraire vivant dont ils sont la légende. »

Christiane Rancé  La Croix du 4 Juin 2020

(1) L’Improbable, Folio, Gallimard. (2) En un lieu de brûlure, Bouquins, Robert Laffont. (3) René Guy Cadou, La fraternité au cœur, blog « L’enfance des arbres ».

04/06/2020

Les livres

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Les livres sont des maisons de poupées.

La nuit, une minuscule ampoule fait briller leurs fenêtres de papier.

 

Christian Bobin, "La nuit du cœur" Gallimard p 26

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03/06/2020

Les tee-shirts, les slips et les livres

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Depuis le 11 mai, les Français ont donc retrouvé le chemin des magasins, enfin autorisés à rouvrir leurs portes. La vérité oblige à dire qu’ils ne sont pas franchement atteints par la fièvre acheteuse : on note, en gros, une baisse de 20 à 30 % par rapport à l’avant-confinement. Mais enfin même s’ils achètent moins, ils achètent. Et qu’achètent-ils en priorité ? Eh bien, selon une enquête du Monde, des trucs et des machins pour le bricolage, des vélos, des congélateurs, des lave-vaisselle, des tee-shirts, des slips, des shorts. Et des livres.

Le patron d’une enseigne d’habillement résume ainsi la situation : « Les clients sont revenus pour des achats de besoin, pas pour des achats plaisir. » Bon pour les tee-shirts, les slips et les shorts, c’est sans doute vrai. Ce qui m’intrigue, ce sont les livres, dont les ventes s’envolent. « Achats de besoin » ou « achats plaisir », les livres ? Les deux, mon général. Car enfin, de quoi a-t-on le plus besoin ? De tee-shirts, de slips et de shorts, ou bien de livres ?

À la limite, on peut parfaitement vivre sans tee-shirts, sans slips et sans shorts. Disons que ce n’est pas une urgence vitale. Alors que les livres, si. Imaginez un monde sans plus aucune librairie, donc sans plus aucun livre : c’est la mort. Comme disait le titre d’une émission de Pierre Dumayet : « Lire, c’est vivre. » Mais c’est aussi du plaisir. Et quel plaisir ! Résumons-nous : plaisir de lire, plaisir de vivre. Avec ou sans tee-shirt.

Alain Rémond - Billet dans La Croix du 29 mai 2020

02/06/2020

Raison de vivre

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Il n'y a pas d'autre raison de vivre que de regarder, de tous ses yeux et de toute son enfance, cette vie qui passe et nous ignore.

Christian Bobin, "La nuit du cœur" , p14  Gallimard