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27/07/2018

Cocoon

Une jolie balade

"Cocoon"  extrait de l'album "Masque" (1990)

19/07/2018

Rageur et poignant

el pere.jpg

Je viens de terminer la lecture du nouveau livre d'Edouard Louis: un texte rageur et poignant, son meilleur livre à mon goût. Ci-dessous, je reproduis la critique avec laquelle je suis le plus d'accord. TP

Quatre ans après son best-seller «En finir avec Eddy Bellegueule», Edouard Louis évoque son père dans un livre rageur et poignant où le pardon s'accompagne d'un propos très politique.

Il n'y a pas de point d'interrogation dans le titre. Sans ce point, le «Qui» de «Qui a tué mon père», le nouveau livre d'Edouard Louis, signale que la réponse est dans la question. Les noms viendront en fin d'ouvrage, à l'issue de moins de 100 pages bouleversantes et peu à peu chauffées à blanc.

Car ce Picard de 26 ans, auteur, en 2014, du best-seller «En finir avec Eddy Bellegueule», qui s'appela vraiment Eddy Bellegueule avant de modifier son patronyme à l'état civil en 2013, devenu depuis un auteur mondialement traduit qui anime régulièrement desconférences de sociologie politique -c'est le cas ces jours-ci à New-York- a réfléchi.

Les douloureuses images du passé

Celui que sa famille brima car il n’était pas assez viril à ses yeux a choisi de revisiter les douloureuses images du passé en recentrant la focale sur son père. Le portrait qu'il en fait dès les premières pages est celui d'un homme physiquement détruit. Il résonne avec les mots imprimés au dos de l'ouvrage: «L'histoire de ton corps accuse l'histoire politique.» Tout le sujet du récit y est concentré, nimbé d'une volonté de pardonner à un personnage plus complexe qu'il ne l'avait jamais laissé paraître. Ainsi, hors du flot des souvenirs qui lui valaient crachats, insultes et viols, sans compter la honte affichée de ce père devenu alcoolique et violent que son épouse finit par jeter dehors, Edouard Louis a extrait des moments de douceur, des instants d'affection et de complicité.

N'est-ce pas cet homme, aujourd'hui au RSA, le dos broyé par une charge qui lui est tombée dessus à l'usine, qui vanta l'«intelligence» de son fils auprès d'un professeur? Ce même papa qui avait aimé la danse dans sa jeunesse alors qu'il l'avait tant conspuée ensuite? Ou l'homme qui s'était témérairement ruiné pour un coffret du film «Titanic» dont Edouard rêvait pour Noël ? Cela et d'autres choses. L'épisode d'un camion emballé broyant la voiture familiale avant que le chauffeur ne prenne la fuite mêla le père et l'enfant dans les larmes. «Est-ce que tu m'avais déjà fait comprendre que nous faisions partie de ceux que personne ne viendrait aider ?»

Les responsables sont au sommet de l'Etat

Aux yeux de ce miraculé de l'éducation, autodidacte, qui se passionna à 16 ans pour un ouvrage du philosophe et sociologue Didier Eribon, les responsables de ce désastre sont au sommet de l'Etat. Et derrière son regard si doux, Edouard cogne à tour de bras: sur Jacques Chirac et son ministre de la Santé Xavier Bertrand, déclarant non remboursables des médicaments contre les troubles digestifs; sur Nicolas Sarkozy et Martin Hirsch, imposant le RSA : «Tu allais perdre ton droit aux aides sociales. On ne te proposait que des emplois à mi-temps, épuisants, physiques (...) Payer l'essence (...) t'aurait coûté trois cents euros par mois»; sur François Hollande et sa ministre du Travail Myriam El Khomry, initiatrice de la loi du même nom. Ou déplorant des formules dans lequel l'écrivain ne relève que mépris : telle cette phrase d'Emmanuel Macron : «La meilleure façon de se payer un costard c'est de travailler». «Il renvoie ceux qui n'ont pas les moyens de se payer un costume à la honte, à l'inutilité, à la fainéantise.» Ce mot de «fainéant» que Monsieur Bellegueule, justement, a toujours exécré.

« Qui a tué mon père », édition Seuil, 80 pages, 12€

Pierre Vavasseur

BIO EXPRESS

30 octobre 1992 : naissance d’Eddy Bellegueule à Hallencourt (Somme).

2006 : s’installe à Amiens.

2010 : intègre l’Ecole normale supérieure. Etudie les sciences sociales et la philosophie.

2013 : publie « Pierre Bourdieu, l’insoumission en héritage» (PUF). Modifie son état civil. Devient Edouard Louis.

2014 : publie « En finir avec Eddy Bellegueule » (Seuil).

2016 : « Histoire de la violence » (Seuil).

3 mai 2018 : « Qui a tué mon père » (Seuil).

 

SOURCE

16:00 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

10/07/2018

Les rêveurs

Un livre pour l'été. J'ai aimé.
Les rêveurs d'Isabelle Carré, son premier roman.
 
Par Laurence Houot @LaurenceHouot
Journaliste, responsable de la rubrique Livres de Culturebox
Mis à jour le 14/02/2018 à 10H04, publié le 08/02/2018 à 18H08
La comédienne Isabelle Carré, décembre 2017

La comédienne Isabelle Carré, décembre 2017

© ERIC DESSSONS/JDD/SIPA

Isabelle Carré a pris la plume et publie "Les Rêveurs". Dans ce livre qui commence comme un roman, et qui s'achève plutôt comme un récit autobiographique, la comédienne raconte son enfance et son adolescence dans les années 70 dans une famille un peu décalée. Un premier roman réussi, à la fois drôle et émouvant, qui révèle ce que cache l'énigmatique constance de son sourire.

L'histoire : Isabelle Carré ouvre son livre avec cette phrase d'Aragon : "Le roman, c'est la clé des chambres interdites de notre maison". Suivons d'abord la narratrice dans la chambre de la mère. Jeune fille de bonne famille, elle vit dans un château, mais c'est en pension qu'elle va à l'école. Pendant les vacances, elle participe à des rallyes, ces soirées où les filles reçoivent en robe de soirée, "avec piste de danse et buffet digne d'un mariage". La garantie d'une bonne rencontre.

Les_reveurs.jpgUn slow sur "Les neiges du Kilimandjaro" et les grandes mains d'un garçon un peu plus âgé qu'elle qui courent dans son dos suffisent à cette jeune fille qui croit que l'on peut être enceinte par l'oreille à franchir le pas. Elle entame une idylle. L'affaire se terminera dans un studio à Pantin, le ventre plein, la famille sur le dos et l'homme du Kilimandjaro évaporé. Il ne faut pas que ça se sache. La famille a tout prévu. La "fille-mère" accouchera dans une clinique de bonnes sœurs juste à côté de ce petit appartement de Pantin loué dans un quartier où la jeune fille ne risque pas de croiser une connaissance de la famille, puis sans discussion elle abandonnera l'enfant…

Ouvrons maintenant la chambre du père. Il est étudiant aux Beaux-Arts, issu d'une famille modeste, des cheminots. Il arrive peu de temps après que l'homme du Kilimandjaro a disparu. Il tombe bien. La mère n'a plus du tout envie d'abandonner son enfant. Elle envoie balader sa famille. Il l'aide à quitter Pantin, l'épouse, et devient le père de son enfant. La narratrice est celle qui arrivera juste après. Ils auront trois enfants. Ils formeront une famille. Un peu bohème, mais une famille presque comme les autres. Ils vivent dans un appartement dont tous les murs sont peints en rouge, font des vacances bizarres, vont à Orly voir décoller les avions, mais les poupées barbies sont interdites... Bobos avant l'heure. Si l'on s'attarde dans la chambre de la mère, on s'apercevra qu'elle décroche, qu'elle ne mange plus beaucoup, qu'elle est triste, de plus en plus absente à elle-même et aux autres. 

Ce que cache la constance d'un sourire

Il faut entrer plus avant dans la chambre du père pour découvrir ce que lui-même mettra du temps à s'avouer, et qui prendra d'abord la forme d'une teinture blonde, avant un coming-out arraché après que la mère l'aura surpris dans les bras d'un homme dans son atelier.

Pendant que les parents se cherchent, entrons à présent dans la chambre de la narratrice. On y trouve des joies enfantines, des rêves de jeune fille : devenir danseuse étoile… ou majorette. On sourit, on éclate de rire, avant de trébucher sur le mal-être, celui de l'adolescence, qu'elle pousse dans ce terreau complexe jusqu'à l'extrême, avec une tentative de suicide. Mais la jeune fille a de la ressource. À la sortie du tunnel l'idée lui apparaît comme une révélation : le théâtre la sauvera, elle en est certaine.  

Voilà ce que raconte ce roman, sans cérémonie, avec une sincérité bouleversante. On ne peut pas s'empêcher tout au long de cette lecture d'entendre la voix clochette de cette rayonnante comédienne, qui ouvre avec ce livre une porte sur ce que cache l'énigmatique constance de son sourire.

Isabelle Carré déploie son texte sans chronologie, laissant à sa mémoire le soin de guider le fil du récit. Bribes, flashes, séquences, on avance dans le temps à la manière du flux et du reflux des marées, jusqu'à ce que la mer soit haute, que tout se rassemble, que tout y soit, restitué ou inventé. Peu importe, on referme le livre avec le sourire, contaminé.
 

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