01/03/2009
Le balbutiement de l'ineffable
A la veille du début du Printemps des Poètes, voici quelques propos sur la poésie par le poète et moine Gilles Baudry:
Gilles Baudry : La poésie est à la fois du côté du balbutiement et de l’énonciation. C’est l’expression d’une expérience ineffable, une approche pleine d’inédit, d’imprévisible. On avance. On ne sait pas où cela nous mène. La poésie requiert une qualité d’attention et de recueillement qui renvoie, pour le croyant, à l’écoute de la Parole de Dieu. Mais la foi descend par l’oreille chez le poète. Comme le théologien, il fait entrer dans le mystère mais il se contente de suggérer, il affirme rarement, il ne donne pas de réponses toutes faites et même pas de réponses du tout. La poésie est un langage source, premier, comme une langue maternelle, un langage qui privilégie beaucoup les rapports voilement – dévoilement. Elle rappelle que la foi, qui requiert, par ailleurs l’exercice de la raison, demeure un mystère. « Qu’il est grand le mystère de la foi ! », dit la liturgie.
Le poète est à l’aise, par exemple, quand il étudie et qu’il médite le Cantique des cantiques, qui nous montre que Dieu est à la fois connu et inconnu et que l’on ne peut pas mettre la main sur Lui. La poésie nous protège contre l’idolâtrie. Le poète est celui qui se tient aux aguets. Derrière le réel, la nature, la création, il discerne l’éternel. Je pense que la théologie a été souvent trop conceptuelle – elle a tendu la main aux sciences humaines mais rarement à la grande littérature – sauf dans la liturgie, bien sûr, qui est l’Art de Dieu. Quoi de plus poétique que la veillée pascale ! La lumière, l’eau, le feu : tous les éléments sont rassemblés. Pour moi, le poème éveille nos sources. C’est une traduction du silence, qui parle, qui nous parle. Les mots du poème sont plus que des mots, ils deviennent des paroles natives, nutritives.
Voir aussi ICI.
Pays aux vents de haute lisse
Où brodent les fougères
Où d’herbe en arbre
La sève remonte le fil de sa mémoire
Pays
Où le secret est un bouche à oreille
De la part des sources
L’air grisolle
Peut-être déjà la clairière
L’estuaire, le battement des siècles
De tout l’immense
Fragilité bienheureuse
d’aimer
De vivre sous le don
Sans autre ligne d’horizon
Intérieur que l’ordinaire des jours.
Extrait de “La Seconde lumière”, Rougerie, 1990.
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