17/02/2012
Enivrez-vous
Enivrez-vous !
Il faut être toujours ivre.
Tout est là : c’est l’unique question.
Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules
et vous penche vers la terre,
il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ?
De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise.
Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois,
sur les marches d’un palais,
sur l’herbe verte d’un fossé,
dans la solitude morne de votre chambre,
vous vous réveillez,
l’ivresse déjà diminuée ou disparue,
demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge,
à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit,
à tout ce qui roule,
à tout ce qui chante, à tout ce qui parle,
demandez quelle heure il est ;
et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront :
Il est l’heure de s’enivrer !
Pour n’être pas les esclaves martyrisés du temps,
enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse !
De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise.
(Charles Baudelaire, les petits poèmes en prose)
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16/02/2012
A ceux qui disent
Dieu de miséricorde infinie,
A ceux qui disent que le monde est lumière
Je dis qu’il est bien sombre parfois.
A ceux qui disent que le monde
Est multitude de Paix et d’Amour
Je dis qu’il est bien menacé parfois.
Dieu de miséricorde infinie,
A ceux qui disent que le monde se perd
Je dis : allez vers le chemin de rencontre.
A ceux qui disent que la vie s’efface
Je dis : trouvez le plein accord dans le regard.
Dieu de miséricorde infinie,
A ceux qui parlent sans connaître
Et qui parlent sans voir
Je dis : ne méprisez pas,
L’incertitude règne dans nos cœurs,
Elle est reine des obstacles,
Elle parle à voix haute souvent,
Elle est l’ennemie de soi..
A ceux qui cherchent
Je dis : la parole est infinie tendresse
Car elle est Dieu
Milko paris, ancien prisonnier
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15/02/2012
Vieillesse
Heureux ceux qui respectent mes mains décharnées et mes pieds déformés.
Heureux ceux qui conversent avec moi, même si j’ai désormais quelque peine à bien entendre leurs paroles.
Heureux ceux qui comprennent que mes yeux commencent à s’embrumer, et mes idées à s’embrouiller.
Heureux ceux qui gardent le sourire quand ils prennent le temps de bavarder avec moi.
Heureux ceux qui ne me font jamais la remarque suivante : «C’est la troisième fois que vous me racontez cette histoire !»
Heureux ceux qui m’assurent qu’ils m’aiment et que je suis encore bon à quelque chose.
Heureux ceux qui m’aident à vivre l’automne de ma vie…
(Anonyme)
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14/02/2012
St Valentin
Jean Ferrat - Louis Aragon: Aimer à perdre la raison (1980)
Il n’y a qu’une sorte d’amour,
mais il y en a mille différentes copies.
La Rochefoucauld
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13/02/2012
Nuit de neige
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.
Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.
Guy de Maupassant
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12/02/2012
Pas sans l'autre
Seigneur, tu es la lumière et la vie,
Mais comment aller vers Toi quand on est en survie?
Ils sont toujours là ces exclus, ces demi-morts,
ceux dont la route est sans aurore.
Tu veux qu'ils se lèvent, marchent, relèvent la face
mais comment et pour qui veux-tu qu'ils le fassent?
Il suffit de peu de choses pourtant
pour redonner cœur à ces frères souffrants:
le regard d'un passant, la prévenance d'un soignant.
Du voisin qui, simplement, dit bonjour,
au travailleur social qui recommence jour après jour,
ils sont légion à être reliés par l'amour
Ils puisent aux sources de la vie,
et, ensemble, cheminent avec tes enfants meurtris.
Seigneur, donne à tous tes serviteurs
d'avancer en frères et sœurs sur ta route, vers le bonheur.
Hubert Renard
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