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17/10/2011

Lumières

Gérard MANSET  -  Lumières - 1982

Mais où sont passées les lumières
Qui nous guidaient ?
Peut-être étions-nous trop fiers
Pour baisser la tête
Le monde a tourné sans nous
Sans nous attendre
Les ténèbres sont partout
Couvertes de cendres

Mais souviens-toi
Que l'on s'aimait quand même
Nous étions si jeunes, si fiers
Et, comment le dire
Nous avons perdu la lumière
L'étoile
Qui caressait nos paupières
Tout m'est égal

Mais quand même
On se souvient
On se rappelle
De quelque chose
Qu'on pose près du lit
D'une lumière
Qui brillait la nuit

Mais où sont passées les lumières
Qui nous guidaient ?
Devenus statues de pierre
Qu'avons nous fait ?
Les instants, comme des clous de fer
Qu'on enfonce
Et rien que le bruit de la mer
Pour seule réponse

Souviens-toi, c'était hier
Mais aujourd'hui
Le lion secoue sa crinière
Peur de la nuit
Gratte le fond de la rivière
Où il venait boire
Nous avons perdu la lumière
Nous sommes dans le noir

Mais quand même
On se souvient
On se rappelle
De quelque chose
Qu'on pose près du lit
D'une lumière
Qui brillait la nuit

Mais où sont passées les lumières
Qui nous guidaient ?
Le lion secoue sa crinière
A chaque coup de fouet
Derrière les barreaux de fer
Sans illusion
Derrière les barreaux de fer
De sa prison

 

 

 

 

16/10/2011

Homme

sommes poussière.jpg

HOMME

Tu as jeté au loin  ta peau  de bête originelle,

Tu as arraché tes mains de la terre

Et les as lancées vers le ciel.

Tu t’es élevé  et sur ta tête fière

Sur ton front s’est versé  le soleil.

Tes doigts agiles ont ensorcelé la pierre,

Le bois et les métaux et l’onde claire,

Tu as dompté le vent sauvage,

Et asservi le feu que tu as rendu sage.

La matière devenue machine et,  à ton gré,

A travaillé, couru et traversé l’espace

En hurlant ta puissance à la face

du Monde émerveillé,

Tu as donné la mort, tu as donné la vie,

De ton souffle la Gloire a jailli.

Quand ta voix rauque a appelé l’amour,

Elle s’est fondue en une douce mélodie

Sur les champs et les fleurs alentour.

Les battements de ton cœur résonnent

dans les roseaux sous la lune claire,

Tu entends leurs  douces homélies,

Devant toi le monde s’éclaire

Mais ton âme garde en son sein ton  envie,

Un règne sans limite, majestueux, sans voile,

Telle une immensité enceinte d’une étoile.

Contemplant ton œuvre du  sommet de Babylone,

Tu défies le Ciel, en lui lançant, arrogant, ton nom: HOMME !

Ö, combien j’ allumerais, au sommet des montagnes

De grands  feux de joies,

je carillonnerais  mille et mille fois,

à travers l’espace tes louanges,

Je te porterais sur mon dos jusqu’à l’apothéose,

Je serais ton adorateur,  et danserait jusqu’à l’osmose

En d’éternelles  danses bachiques et étranges.

Ö Frère, cher et aimé

Ô Frère pitoyable,

Ô Frère  haïssable,

Ô Frère mille fois pleuré,

Nourri de l’essence de mon cœur,

Ma honte et ma douleur : HOMME !

Las !  L’hymne glorieux se délite, et saigne

Les feux de joie s’endorment sous les cieux

Leur fumée brûlent tes yeux,

Les cloches s’éteignent

Les fleurs,  trempées dans le venin

Sa fanent,  merveilles sans lendemain.

Que reste-t-il à admirer ?

La  beauté du geste  qui tue ?

Qui adorer ?

L’Ange déchu ?

Que chanter ?

Des plaintes et gémissements dans l’ombre?

Que danser ?

Le bal de la mort sur les décombres? .

Pourquoi même parler ? Tu le sais bien, l’horreur

Des mots blesseraient  l’orateur.

Las, tout est vain !

La seule voie pour fuir ton erreur

Est de partir, sans fin,

Loin de toi, se réfugier dans les yeux innocents

Des animaux fidèles, dans la douce ramure s’élançant

Vers le ciel immense, puis,  sans repère,

Et enfin  te terrer dans le tragique silence de la pierre..

Koloman KALOCSAY, poète d'Océanie

( traduction  de l'esperanto de L. SCHUELLER-LEROY et Pierre HUMBERT )

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15/10/2011

Locomotive

chader-tchouk-tchouk-la-petite-locomotive-livre-853532751_ML.jpgHier , à quelques uns, nous parlions de nos lectures, mais aussi du devenir de tous nos livres dans nos bibliothèques.

Il y a les livres utilitaires: par exemple, j'ai toujours mon premier dictionnaire Larousse, celui de mon entrée en sixième, la tranche est bien jaunie, ça veut dire qu'il a beaucoup servi.

Il y a tous les livres achetés pour mes études de lettres et de théologie, les livres qu'on ne lit qu'une fois, parfois par devoir, mais qui ne laissent pas forcément un souvenir impérissable.

Il y a tout mon rayonnage de poésie, livres et revues, dans lequel je puise de temps en temps pour redécouvrir telles ou telles merveilles qui m'ont enchanté à une époque et qui peuvent encore ensoleiller un début de journée;

il y a la Bible qui tient une place privilégiée, tantôt considérée comme un outil de travail ou comme le Livre où Dieu parle;

il y a le livre de chevet, celui qui traîne sur la table de salon et l'autre sur le bureau en attente de lecture;

il y a les livres dont je ne voudrais jamais me séparer parce qu'ils ont été importants pour moi dans mon itinéraire littéraire ou spirituel, c'est tel ou tel auteur dont je découvre l'oeuvre au fil des parutions, tel ou tel roman dont j'ai admiré le sujet ou l'écriture, tel ou tel ouvrage qui m'a touché au plus profond ou qui m'a ouvert des horizons.

Et puis il y a mon tout premier livre, un cadeau de Noël ou d'anniversaire, un livre d'images avec un peu de texte; j'étais tout petit et ce livre c'était: "Tchouk tchouk la petite locomotive". Il m'a longtemps fait rêver de voyages, de petits trains sillonnant les campagnes, en particulier de celui qui passait près de chez ma grand-mère. Faut dire que les locomotives à vapeur avaient un visage sympathique, ses drôles de machines avaient quelque chose d'humain aussi. Ce livre racontait en gros la vie d'une de ces locomotives jusqu'à sa 'retraite' où dans un fond de gare sa nouvelle vocation est d'accueillir les oiseaux et les animaux en quête de refuge. Emouvant non?

J'ai souvent pensé que mon intérêt pour les trains et les gares et ma passion pour l'écriture sont nées avec la lecture et les images de "Tchouk tchouh la petite locomotive".

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14/10/2011

Spacer

S.B. Devotion: Spacer (1979)

13/10/2011

Lumières d'Hommes

Profilhom.jpg

Somnambule en plein midi
même la viande sur la fourchette
même la fourchette à la main
toujours très près des camarades
mais si loin tout de même si loin
et donner la pâtée au chien
mais je voyais la pâtée s’enfuir
le chien courir le long du mur
et j’entendais ses soupirs
et le chien voyait ma lumière
mon astre
et laissait la pâtée courir
j’avais cette lumière là sur moi
comme ça
mais ce n’était pas
ma lumière
elle était là comme ça
j’aurais voulu
j’ai tout essayé
j’aurais voulu m’en débarrasser… partager
mais elle brûlait tout le monde
personne n’en voulait
mais
si je la mettais en veilleuse
tout le monde applaudissait
lumière couleur de lanterne sourde
petite lampe sans danger
elle plaisait
mais la grande lueur de l’indifférence avouée
le vrai lampadaire
le bec de gaz saignant
contre lequel l’amour saignant se cogne
se blesse
se tue
sans vraiment mourir
la comète
le grand rat de cave que chacun porte dans sa poitrine
l’inquiétante et magnifique lueur
cette braise
personne presque personne n’en veut
petits mensonges lumineux couleur de vérité lumineuse
vérités verroteries
lumière béate de l’homme franc qui vous regarde bien en face
salamandre installée dans le front du penseur
bois et charbons
petits briquets de l’amitié
feux de paille
feux de poutres
feux de joies
de Bengale et de tous bois
allumettes
brindilles
boulets bernots
comme vous plaisez !
ne croyez pas que je pousse le cri du ver luisant qui s’excuse de briller
ou la plainte déchirante du cul-de-jatte qui voudrait patiner
non…
je hurle à la lumière avec de l’encre et du papier
le soir tard
et je crie
tout de même
il y a la lumière
chacun a sa lumière
et le monde crève de froid
le monde a peur de se brûler les doigts
évidemment
c’est la lumière qui brille qui brûle qui fait cuire
et qui glace le sang
c’est la grande omelette surprise
le soleil avec des caillots de sang
lueur du coeur
lueur de l’amour
lueur
oh il faut la poursuivre cette lueur aveuglante
elle existe
elle crève les yeux
mais s’ils faut que les yeux crèvent pour tout voir
crevez les yeux

c’est la lumière vivante que chacun porte en soi
et que tout le monde étouffe pour faire comme tout le monde
lumière défendue
tu grilles ceux qui t’approchent
ceux qui veulent te prendre
mais tu les aimes
lumière vivante
la vie c’est toi
la vie vivante qui marche en avant
en revenant sur ses pas
qui marche tout droit qui fait des détours et qui n’en fait pas
soleil de nuit
lune de jour
étoiles de l’après-midi
battements de coeur avant l’amour
pendant l’amour
après l’amour
grande lumière dans l’oeil du porc qui fait l’amour
lumière telle que sans abat-jour
lumière brute lumière rouge
lumière crépusculaire
indifférente avide passionnée
lumière de printemps si douce
lumière d’enfant
toujours la même lumière cruelle et lucide
mais parfois si belle
visages qui vous approchez
yeux fermés
bouches ouvertes
tout tourne et tout flambe
vos deux têtes
tête de garçon
tête de fille
vos deux têtes tournent et oublient…
c’est un astre
un instant
une victoire
une prise
éclair obscur du mauvais temps
feux follets de la morale
croix de feu
pétards mouillés
ciboires bien astiqués
malheureux petits soleils de cuivre
ostensoirs
comme ils sont ridicules et blêmes vos rayons
lorsque la lumière de celle qui aime l’amour
rencontre la lumière de celui qui aime l’amour
drôle d’incendie
peu importe sa durée
toujours hier demain bonjour bonsoir autrefois jamais toujours et vous-mêmes
qu’est-ce que ça fout pourvu que ça flambe.

 

Jacques Prévert - "Soleil de nuit"

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12/10/2011

Premier roman

Du temps qu'on existait

Marien Defalvard

du-temps-qu-on-existait,M57833.jpg

Un premier roman, mélancolique
comme un mois de novembre qui ne finirait jamais.

Du temps qu'on existait, le premier roman de Marien Defalvard, affectionne le souvenir et la contemplation, la mélancolie des stations balnéaires et la lumière sucrée des journées estivales. L'auteur avance d'abord des noms de lieux - Coucy-le-Château, Sacierges, Bouloire - avec quelque chose de proustien, qui peut agacer mais retient l'attention. Puis, commence l'histoire d'un homme, toujours entre deux maisons, dont l'existence est une valse-hésitation.

De 1960 à 2009, le narrateur ne cherche qu'à hiberner, passer à côté de tout, en particulier de la mort. Enfance succulente à Sacierges, dans une demeure très « Grand Meaulnes », adolescence crispée à Paris, puis à Strasbourg, fin des années 1970... Il contemple sa vie de loin, citant Rousseau pour mieux retrouver, dans Les Rêveries du promeneur solitaire, des pensées fraternelles : « Je suis sur terre comme sur une planète étrangère d'où je serais tombé de celle que j'habitais. » Il découvre l'amour avec « un jeune homme normal » qui tente de l'initier à la religion, aux caresses et à la mayonnaise. Puis, c'est l'éternel retour aux années sans nuances, avec l'impression que le mois de novembre n'en finit jamais...

Dandy proustien, décadent à la Huysmans, Marien Defalvard aime les arbres noirs à l'aube, les parcs surannés, les vieux livres oubliés dans des placards. Du temps qu'on existait est un roman plein d'arrogance, débordant de joliesses et de sentiments touffus. Parfois insupportable, souvent audacieux, ce livre est plein d'entêtements furieux et de mélancolie. Tantôt clairvoyant, tantôt emphatique, Marien Defalvard intrigue, tel un ovni tout droit venu de la planète romantique. Son roman est triste comme un chagrin d'enfant ou un regret d'adulte au moment de faire les comptes : « Je savais désormais que c'était ça la vie, cette longueur bizarre et courte, ces moments oubliés, ces journées dans le vide, ces histoires qu'on entend et qu'on ne retient pas... C'était ne plus se souvenir de grand-chose et c'était rassurant d'oublier, on avait l'impression d'avoir duré longtemps, l'existence acquérait quelque chose d'infini, de mystérieux, de profond : on avait vécu. »

Encore un détail : Marien Defalvard a tout juste 19 ans.

| Ed. Grasset | 370 p., 20,50 EUR. (En librairie le 1er septembre.)

Christine Ferniot
Telerama n° 3215 - 27 août 2011
Un roman que je vais risquer à lire.