20/09/2010
Interview L. Wilson
La Croix Votre interprétation de l’Abbé Pierre dans « Hiver 54 » a ponctué votre carrière. Vous enfilez à nouveau l’habit religieux pour un rôle marquant, celui du Prieur de Tibhirine, Christian de Chergé, dans « Des Hommes et des dieux » de Xavier Beauvois. Comment avez-vous abordé cette expérience ? Lambert Wilson : J’ai d’abord eu peur de me laisser enfermer dans l’image du spécialiste des rôles d’ecclésiastiques. Mais en réalité, les deux expériences sont assez éloignées. « Hiver 54 » était une fresque sur un événement presque plus politique que religieux. Il s’agissait d’incarner un homme en colère contre une injustice sociale. Avec « Des Hommes et des dieux », nous avons vécu, en tant que comédiens, une aventure très profonde qui nous a tous changés. Comment avez-vous abordé le personnage du P. de Chergé ? Il s’est d’abord passé quelque chose de l’ordre du petit miracle, qui fait qu’en tant que comédiens, nous nous sommes glissés dans ces habits-là de façon très évidente. Quelques jours de retraite à l’Abbaye de Tamié nous ont permis de nous imprégner de ces vies qui sont entièrement consacrées à Dieu. Mais le déclic est vraiment venu du chant, ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on sait l’importance de cette pratique dans la vie des moines, avec sept offices par jour. Êtes-vous sensible à l’univers monastique ? Je me suis toujours senti attiré par cette vie. Je trouve les abbayes et les monastères très beaux, notamment dans une région qui m’est chère, la Bourgogne, avec ce mélange si particulier de minéralité et de spiritualité. Je suis fasciné par les cloîtres, cette présence du ciel au-dessus de ce qu’on peut voir comme une réduction du monde. De quoi vous sentez-vous plus riche après ce rôle ? Cela m’a fait du bien de me débarrasser du détail, de l’ici et du maintenant. J’étais en habit. Je me sentais bien avec ce vide-là. N’êtes-vous pas engagé sur une sorte de chemin de dépossession ? Ce n’est pas très pratique lorsqu’on est comédien, mais beaucoup de choses me paraissent tomber d’elles-mêmes. En rentrant du tournage, je me suis intéressé différemment à ceux qui m’entourent. Je leur ai posé des questions sur leurs croyances. Aujourd’hui, je leur demande davantage comment ils vont plutôt que ce qu’ils font. Ce qui est de l’ordre du compassionnel prend une importance croissante dans ma vie. Comment fait-on exister la foi à l’écran ? Xavier Beauvois a eu l’instinct de choisir des acteurs pour qui la question de la foi était une chose donnée, comme Michael Lonsdale. Ou qu’il pensait capables d’avoir assez de candeur pour aller dans cette direction sans posture cynique. Je pense que c’est pour cela que nous avons pu, de manière désinhibée, nous exposer ensemble dans ce bain-là. |
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Recueilli par Arnaud SCHWARTZ pour La Croix |
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21/05/2010
Des hommes et des dieux
Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois: un film canonisé à Cannes?
Les dernières images du film « Des hommes et des dieux », qui sortira le 8 septembre 2010, nous laissent juste avant que l’horreur ne commence véritablement, fin mai 1996 : une file indienne de sept moines du monastère de Tibhirine, en Algérie, avec leurs geôliers djihadistes, disparaît sous des frondaisons d’arbres, noyés dans la brume, sur les pentes de l’Atlas.
La conclusion est, hélas, connue. Les têtes des Cisterciens français seront retrouvés quelques jours plus tard au bord d’une route, sans qu’on sache encore très bien (le dossier a été rouvert l’an dernier, à la suite de révélations) s’il s’agit d’assassinats directement commis par les ravisseurs, ou une bavure de l’armée algérienne, camouflée en acte barbare d’islamistes, pour les mettre encore plus au ban du monde.
Auparavant, l’œuvre de Xavier Beauvois a déroulé trois années de la vie du monastère, implanté depuis plusieurs décennies sur les flans d’une vallée tranquille, dont les habitants ont parfaitement intégré la petite communauté chrétienne. Frère Luc, médecin, soigne les villageois, qui invitent les moines à partager les grands événements de l’année.
Lorsque la peur s’installe dans cette contrée montagneuse, où se cache un groupe de djihadistes, les moines et leur prieur, Christian de Chergé, vivent de douloureuses interrogations, restituées dans toutes leurs profondeurs par Xavier Beauvois. Partir, comme l’administration algérienne le leur intime ? C’est abandonner des « frères » musulmans au moment où ils ont sans doute le plus besoin de soutiens. Rester ? C’est courir le risque de finir égorgé par des islamistes fanatiques, comme la poignée de travailleurs croates, sur un chantier des environs, quelques mois auparavant.
De scène en scène, à mesure que la « sale guerre » contamine tout l’environnement, et que le danger se rapproche des portes du monastère, les avis de chacun des moines, que le prieur sollicite régulièrement, bougent, évoluent. Jusqu’à la décision collective de rester, et que la bâtisse demeure coûte que coûte un lieu de paix et de prières, un espace sacré, au milieu de la tourmente.
Xavier Beauvois (N’oublie pas que tu vas mourir, Selon Matthieu, Le petit lieutenant) s’est en fait vu proposer de réaliser « Des hommes et des dieux », par un producteur, Etienne Comar, auteur du scénario initial. Guidé par une abondante documentation et par les conseils de Henry Quinson, fondateur de la Fraternité Saint-Paul à Marseille (Pèlerin vous a fait partager la préparation et le tournage du film dans son numéro daté du 13 mai), Xavier Beauvois s’est coulé avec une espèce d’évidence dans le temps si particulier d’un monastère, réglé par des rituels bien précis. Le cinéaste nous fait ressentir la foi profonde de ces hommes.
Il s’attarde sur leurs visages, miroirs de leurs peines, de leurs doutes, de leurs joies, mais aussi de leur acceptation d’un destin comme annoncé. Pas en martyr, mais en gens de Dieu, conscients que leur vie est d’abord là, sur cette terre étrangère, au milieu de ceux qui leur ont fait confiance.
Lors de la projection de ce matin, réservée à la presse, régnait une indicible qualité d’écoute. De celle que l’on ressent, avec l’habitude, à l’occasion de films qui comptent et laissent des traces. Idem lors de la conférence de presse qui a suivi, avec le cinéaste et deux des acteurs : Michael Lonsdale et Lambert Wilson. Ils ont affirmé en chœur s’être laissés habiter par les moines de Tibhirine. « Je me suis senti protégé par Frère Christian, affirme Lambert Wilson, au jeu tout de rigueur et de sobriété. Mon travail a été d’humilité. Je me suis laissé remplir par lui ».
« Je suis croyant, mais je ne supporte ni les dogmes ni les religions, très en-dessous de l’essentiel, poursuit l’acteur, qu’on a vu aussi à Cannes en Huguenot convaincu, dans le film de Bertrand Tavernier, La princesse de Montpensier, sur les guerres de religions, au XVIème siècle. Or, ce film nous montre l’essentiel : l’échange d’amour entre les êtres, quelques soient leur âge et leur religion. Il nous dit que nous sommes sur terre pour vivre en état de compassion ».
« Je souhaite que ce film aide les gens qui le verront. Nous mêmes, acteurs de cette oeuvre, avons vécu, pendant le tournage, cette fusion que connaissaient les moines de Tibhirine. Je n’avais encore jamais ressenti cela dans mon métier. Les chants liturgiques, en commun, y ont grandement participé. Ils ont ce pouvoir d’élévation. Acteurs, réalisateur … nous sommes maintenant comme des frères ! ».
« Mon film parle d’hommes, au-delà de la religion, complète Xavier Beauvois. Chrétiens, musulmans … il les rapproche, alors que tout, dans la société d’aujourd’hui, est fait pour les diviser. Son tournage a été comme un état de grâce. J’ai hâte de le montrer aux familles des moines assassinés. Au tout début, elles n’ont guère approuvé le projet. Leurs craintes se sont estompées par la suite. Je pense que le résultat les satisferont ».
En tout cas, le journaliste que je suis en est sorti enthousiaste. Et rêve maintenant que le jury éprouve le même sentiment, et ne craigne pas de le hisser en tête de palmarès. Ce serait un signe très fort, dans une compétition largement traversée par les tumultes du monde.
Philippe Royer dans le Pèlerin
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12/05/2010
Cannes
Claude Nougaro: Le cinéma
Aujourd'hui c'est l'ouverture du 63ème Festival de Cannes
00:00 Publié dans Actualités, Chansons, Films | Lien permanent | Commentaires (0)
04/05/2009
Soeur Sourire
Voici ce que j'écrivais sur Soeur Sourire il y a trois ans.
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05/01/2009
As-tu déjà aimé?
A Noël, on m'a offert le CD des chansons du film de Christophe Honoré: "Les chansons d'amour", écrites par Alex Beaupain. J'aime particulièrement celle-ci:
As-tu déjà aimé ?
As-tu déjà aimé
pour la beauté du geste?
As-tu déjà croqué
la pomme à pleine dent?
Pour la saveur du fruit
sa douceur et son zeste
T'es tu perdu souvent?
Oui j'ai déjà aimé
pour la beauté du geste
mais la pomme était dure.
Je m'y suis cassé les dents.
Ces passions immatures,
ces amours indigestes
m'ont écœuré souvent.
Les amours qui durent
font des amants exsangues,
et leurs baisers trop mûrs
nous pourrissent la langue.
Les amour passagères
ont des futiles fièvres,
et leur baiser trop verts
nous écorchent les lèvres.
Car a vouloir s'aimer
pour la beauté du geste,
le ver dans la pomme
nous glisse entre les dents.
Il nous ronge le cœur,
le cerveau et le reste,
nous vide lentement.
Mais lorsqu'on ose s'aimer
pour la beauté du geste,
ce ver dans la pomme
qui glisse entre les dents,
nous embaume le cœur,
le cerveau et nous laisse
son parfum au dedans.
Les amours passagères
font de futiles efforts.
Leurs caresses éphémères
nous fatiguent le corps.
Les amours qui durent
font les amants moins beaux.
Leurs caresses, à l'usure,
ont raison de nos peaux.
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09/12/2008
L'apprenti
Mathieu Bulle, champs... et contrechamp
par Johanna Luyssen
Mathieu Bulle incarne son propre personnage de paysan stagiaire dans le film l’Apprenti, un premier et brillant long métrage, à mi-chemin entre Être et avoir, de Nicolas Philibert, et la Vie moderne, de Raymond Depardon.
À 18 ans, Mathieu Bulle n’en revient pas. Ce n’est pas de se voir à l’écran dans le film l’Apprenti, où il interprète pendant une année entière sa propre vie, qui le trouble à ce point. Ni de voir son intimité subitement dévoilée à des spectateurs inconnus. Encore moins d’avoir été suivi par une énorme caméra pendant un an. Non, le grand choc, ce fut d’entendre à nouveau sa voix. Elle a mué ! Et aujourd’hui cette voix d’enfant, celle de ses 15 ans, qui hésite tant entre les graves et les aigus, il la reconnaît à peine.
Avec ses joues roses, le garçon a gardé quelque chose de l’enfance : il est vrai qu’il passe tout son temps « à l’air libre ». Trois ans après le tournage, le jeune homme nous reçoit, très sûr de lui, près d’une petite salle de projection de Besançon, où l’on projette l’Apprenti à une classe de lycéens. L’œil amusé, avec cet accent qui avale les syllabes, il répond gentiment à toutes les questions. « Tu as toujours voulu être paysan ? – Oui, toujours. – Tu as dit oui tout de suite quand on t’a proposé de faire le film ? – Ah oui, je n’ai pas hésité. » Mathieu se décrit comme « fonceur » et « déterminé ». Il semble avoir toujours voulu devenir agriculteur. Jusqu’à la quatrième, il se sent mal à l’aise dans la filière générale. Et les notes ne suivent pas vraiment. À 14 ans, il demande donc à sa mère de l’inscrire en Maison familiale et rurale (MFR), structure qui permet d’étudier en alternance – cours et stages pratiques – et de passer un BEP agricole. Les MFR, sorte d’internats agricoles, sont assez répandues en Franche-Comté. Mais ses parents, ouvriers, ne sont pas très enthousiastes à l’idée d’avoir un fils paysan. Ils ont connu cette vie trente ans plus tôt. Pour eux, c’est un métier un peu ingrat. Et, de toute manière, l’avenir est dans le tertiaire. « Pourquoi tu ne fais pas une classe normale ? Avec ça, tu auras un bon métier… Je ne dis pas que tu seras président de la République, mais quand même », lui suggère sa mère dans le film. Et Mathieu de répondre tranquillement : « Non. Moi, je veux faire un métier qui me plaît. Je veux être content de me lever pour aller travailler. »
Sa détermination a plu au réalisateur du film, Samuel Collardey, qui l’a choisi pour être le héros de l’Apprenti. « Mathieu est assez étonnant. Je connais beaucoup d’adolescents qui veulent être chanteurs, acteurs. Mais des jeunes qui savent, à 15 ans, qu’ils veulent être paysans, beaucoup moins. » On suit donc le jeune aspirant chez Paul Ribier, agriculteur bio dans le Haut-Doubs, personnage attachant et excellent pédagogue, qui l’héberge et l’initie à tous les secrets du métier : égorger le cochon, rentrer le foin, traire les vaches... Au-delà de leurs silences, une vraie relation d’homme à homme se noue entre ces deux-là. Et elle dépasse largement le clivage maître/élève. Sous l’œil de Paul, Mathieu apprend peu à peu à devenir un homme. Car l’Apprenti est aussi le touchant portrait d’un adolescent, voire un « ado-naissant » : Mathieu « chatte » avec sa copine sur Internet, prend sa première cuite, fait le malin avec ses copains à la piscine, traîne les pieds à l’écurie... « Lorsqu’on a commencé le tournage, raconte Samuel Collardey,
c’était un enfant, doux comme un agneau avec les animaux ; il dormait même avec sa chèvre quand elle était malade. Maintenant, c’est un vrai ado. Il a quitté le nid. »
Aujourd’hui, l’ado a presque fini sa croissance, passe en BTS l’an prochain, rêve de grands espaces au Canada ou en Australie, ne vit que pour la terre, ne lit presque rien, si ce n’est la revue Matériel agricole, et compte bientôt aller voir la Vie moderne, le dernier film de Raymond Depardon sur la paysannerie, regarde peu la télévision et n’écoute jamais la radio. Enfin, si, NRJ, un peu… « Sur mon tracteur »
08:00 Publié dans Films | Lien permanent | Commentaires (0)