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21/10/2023

Mordre la poussière

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Il y a des livres que je ne pensais pas acheter, tout simplement parce que je ne savais pas qu'ils existaient. Je ne connaissais pas non plus Panayotis Pascot. Et son livre s'est d'abord imposé à mon regard au rayon culturel d'Intermarché... le titre, l'image, puis la quatrième de couverture. Il faut que je le lise, que je découvre cet auteur, que je m'y projette peut-être... En faisant quelques recherches sur internet, je vois que ce livre se vend plus que celui de Sarkosy ou de Modiano: succès inattendu des libraires et de son auteur. Et je comprends. Les biographies plaisent, les belles écritures aussi, les jeunes s'y retrouvent. Vraiment, je n'ai pas lu quelque chose d'aussi moderne depuis longtemps, d'aussi captivant. L'auteur a une capacité d'analyse impressionnante, des expressions qui font choc. Je laisse Salomé Pages en parler.   TP

“Ce livre me fait peur. Le processus a été douloureux. Mon père nous a annoncé qu’il n’allait pas tarder à mourir et je me suis mis à écrire. Trois années au peigne  fin, mes relations, mes pensées paranoïaques, mon rapport étrange à lui, crachés  sur le papier. Je me suis donné  pour but de le tuer avant qu’il ne meure. C’est l’histoire de quelqu’un qui cherche à tuer. Soi, ou le père,  finalement ça revient au même.”

Ancien chroniqueur dans Quoditien, connu pour ses rôles au cinéma ou son spectacle humoristique Presque, le jeune Panayotis Pascot arrive pour cette rentrée littéraire avec son premier livre La prochaine fois que tu mordras la poussière.

200 pages où le jeune homme nous livre ses pensées nocturnes, telles quelles, sans artifice et mise en forme prétentieuse. 200 pages où il décrit tour à tour sa relation à la fois douloureuse et silencieuse avec son père, sa santé mentale mise à mal par la dépression et ses tentatives d’apprivoiser son homosexualité, longtemps ignorée.

Des sujets qui sont pourtant déjà abordés dans son spectacle, où la larme l’attrape quand il parle de son père. Il nous livre cette fois-ci ses pensées brutes. La particularité de ce livre réside dans son commencement et sa fin, il n’a pas la volonté de nous plonger dans une histoire au fil rouge bien défini. Au contraire, il nous attrape à un point lambda d’une nuit où l’on ne peut pas dormir et où l’on écrit. Le genre de nuit où seules les pensées en vrac peuvent nous accompagner. Il n’y a pas de début et il n’y a pas de fin, seulement des mots qui s’entremêlent pour raconter un état d’esprit ou un questionnement qui émerge quand tout à côté est calme et ne fait plus de bruit.

La prochaine fois que tu mordras la poussière nous offre une porte d’entrée dans les pensées secrètes, parfois laides, d’un jeune homme qui avance comme n’importe qui dans un chemin abrupt et mal éclairé. Un livre qui ne demande pas au lecteur de s’intéresser à la vie de son auteur, alors même qu’il y raconte ses émotions, c’est un livre qui demande à ce qu’on s’accroche à un moment de vie, comme on en connaît tous.

“Six ans plus tard je comprendrais que la dépression s’immisce grâce à cette pensée. À quoi ça sert de faire mon lit, je vais le défaire ce soir ? Si on laisse cette pensée gagner on est foutu, c’est l’essence même de la vie de faire pour défaire.”

Salomé Pages

Source

France Inter. Interviewé par Léa Salamé

29/07/2023

Le bâtard de Nazareth

Une lecture de vacances:

Metin Arditi : « Le bâtard de Nazareth » Ed. Grasset, Paris 2023, 193 pages.

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Ci-dessous l'article d'un dominicain avec lequel je suis assez en consonance

Source

Je dois convenir que l’auteur de ce roman – car il s’agit bien d’un roman, ne nous égarons pas ! – me paraît sympathique. Non seulement quand je retrouve son sourire et sa mine épanouie à l’étal d’un salon de livres où il expose et signe les siens, mais encore eu égard à la riche mosaïque de ses origines. Né en Turquie dans une famille juive séfarade, il connut dans son enfance des nurses musulmanes, une gouvernante catholique et maintenant une épouse grecque-orthodoxe. Ce patchwork l’a conduit à une forme de respect et de condescendance religieuse, sans toutefois adhérer à quelque credo.

Le fait qu’Arditi fut élève interne dans un collège privé lausannois et qu’il poursuivit sa formation dans nos régions où il élut domicile ont fait de lui un homme d’affaires avisé, mais aussi, à ses heures, un écrivain francophone dont le succès est confirmé. Les sujets qu’il aborde et l’aisance de son style rendent ses livres accessibles au commun des mortels. Les lecteurs ont plaisir à lire cet auteur qui a l’art de manier le suspens et l’intrigue mis au service de thèmes qui leur sont familiers. Ses personnages sont fictifs, mais si proches du quotidien où évoluent ses lecteurs.

Ce site a déjà recensé un roman de cette veine : « Rachel et les siens », paru en 2020. Arditi plaidait en faveur d’une cohabitation pacifique et constructive entre Israéliens et Palestiniens vivant sur une terre dont les uns et les autres tirent leur origine. Le livre que nous recensons obéit au même principe : mettre la littérature romanesque au service d’une cause.

Mais quelle cause défendre dans ce cas précis ? Celle de Jésus de Nazareth dont Arditi fait l’apologie d’une étrange et insolite manière. Il fait du fils du charpentier de Nazareth un « enfant naturel » de Marie, sa mère, violée par un soldat romain errant dans ces parages. De quoi assurer à ce roman un succès de librairie à l’approche de la Pâque chrétienne.

Non que ce bâtard soit antipathique à notre auteur. Selon son roman, le mythe de sa résurrection diffusé par les quatre évangiles devrait susciter « l’espérance qu’à chaque instant l’être recommence » (p.193). Demeure toutefois que la condition de bâtard, méprisable et méprisée à cette époque, devait nécessairement conduire le fils de Marie à une mort ignominieuse.

J’imagine qu’Arditi n’est pas dupe au point d’ignorer que cette rumeur calomnieuse circulait déjà au 2ème siècle, véhiculée par des auteurs antichrétiens. Il est aussi attesté que ce roman noir a servi d’argument à la polémique de certains milieux juifs contre le christianisme naissant, puis dominant. Les lecteurs de ce site désireux de connaître le détail de cette triste affaire peuvent se référer au livre récent de l’exégète vaudois Daniel Marguerat : « Vie et destin de Jésus de Nazareth ». Curieusement, Arditi dans la toute dernière page de son livre tient à remercier Marguerat. A-t-il bien lu et compris son ouvrage ? Je m’interroge.

Pour se justifier, Arditi pourra toujours se réclamer du genre romanesque de son livre. Personne ne le contestera sur ce point, mais sur l’opportunité du choix de son sujet. Personne n’exige de lui qu’il adhère à la foi en la conception virginale de Jésus, mais qu’il respecte ceux et celles qui la confessent et, plus encore, ceux qui croient en la divinité du fils de Marie. Il n’y a pas de liberté religieuse et même de liberté tout court sans respect.

Enfin, Arditi, qui ne renie pas ses origines juives, ne craint-il pas que le sujet de son roman puisé dans une tradition hébraïque antichrétienne puisse nuire au rétablissement de relations harmonieuses entre chrétiens et juifs ? La moindre étincelle suffit hélas à déclencher un incendie.

Frère Guy

C'est le troisième livre de Metin Arditi que je lis. J'ai beaucoup aimé "L'homme qui peignait les âmes" en 2021, une sorte de conte inter-religieux avec de belles pages pour décrire l'écriture des icônes, puis "Tu seras mon père" en 2022 ou la quête d'un père, professeur de théâtre, qui sera en fait l'assassin  (lié aux Brigades Rouges), du propre père du héros, avec la grande question du pardon.

Cliquer ICI pour lire les articles sur ces deux premiers livres.

Avec "Le bâtard de Nazareth", je suis plus partagé. Certes, j'ai beaucoup aimé l'angle par lequel l'auteur nous fait entrer dans le combat que Jésus a mené: sa blessure d'enfance, le fait qu'il n'a pas connu son vrai père, devient l'explication de sa lutte pour plus de justice et d'amour dans la Loi de son pays. Mais je regrette que l'auteur ait fait le choix de ne pas parler de la divinité de Jésus. Bien sûr, c'est un roman... qui bouscule ce que les Evangiles nous disent. Ce n'est pas inintéressant, mais je ressens comme un manque. Néanmoins, ça vaut la peine d'être lu.

TP

18:15 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

24/03/2023

Fait divers

Ceci-n-est-pas-un-fait-divers.jpg"Papa vient de tuer maman".
Passée la sidération, deux enfants brisés vont devoir se débattre avec le chagrin, la colère, la culpabilité. Et réapprendre à vivre.
Philippe Besson s’empare d’un sujet de société qui ne cesse d’assombrir l’actualité : le féminicide. En romancier du sensible, il y apporte un éclairage singulier, adoptant le point de vue des enfants des mères tuées par leur conjoint, dont on ne parle que trop rarement. Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte la difficulté de vivre l’après, pour ces victimes invisibles.

Un roman qui tient en haleine, qui analyse bien toutes les répercutions vécues après un tel drame: des vies brisées... En bon psychologue, comme dans tous ces romans, Philippe Besson scrute et sculpte ces personnages pour nous dire qu'aucun fait n'est divers et qu'on a toujours à se soucier des uns et des autres afin d'éviter un irréparable qui tue les uns et culpabilise les autres.  TP

00:00 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

16/02/2023

Avalanche

avalanche.jpgHier, les lecteurs écrivaient des journaux intimes. Aujourd’hui, les auteurs en font des romans. Avalanche donne cette sensation d’entrer par effraction dans l’un de ces cahiers d’adolescent cadenassés. Voilà une autre époque, la fin des années 1980, une autre langue, avec sa révolte et sa violence, on lâche des phrases comme des coups de poing, l’écriture porte la trace de ces ecchymoses, les mots sont bleus, on souffre, on aime, on se déteste, on a honte, on a mal à l’âme.

 

 

raphael.jpgLe premier roman de Raphaël Haroche annonce dès son titre cet équilibre instable, la menace qui couve sous les rires et les cris. L’adolescence est-elle la fin d’un monde ou le commencement d’un autre?

Raphael écrivain, je dirais volontiers que j'aime autant ses livres que ses chansons. Un livre permet d'entrer plus profondément dans l'univers de cet artiste qui a plus d'une corde à son arc. Eclipse et Retourner à la mer, ses deux premiers livres de nouvelles ont bien été accueillis par la critique et le public. J'attendais le roman. Je l'ai lu. Je ne suis pas déçu. Je suis même convaincu que Raphael est un bon écrivain qui va devenir grand.   TP

21:00 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

27/11/2022

Christian Bobin

L'écrivain Christian Bobin s'est éteint à 71 ans hier. Révélé au grand public avec son texte sur Saint-François d'Assise, "Le Très-Bas", cet auteur contemplatif était connu pour ses romans ou textes poétiques courts témoignant de son émerveillement pour les choses simples de la vie. 

bobin.jpg

J'ai enlevé beaucoup de choses inutiles de ma vie et Dieu s'est approché pour voir ce qui se passait.

Il n'y a pas d'autre attente que de vivre.

Christian Bobin La femme à venir, p.134

 

J'ai trouvé Dieu dans les flaques d'eau, dans le parfum du chèvrefeuille, dans la pureté de certains livres et même chez des athées. Je ne l'ai presque jamais trouvé chez ceux dont le métier est d'en parler.

Christian Bobin Ressusciter

 

Pour être dans une solitude absolue, il faut aimer d'un amour absolu.

Christian Bobin Un désordre de pétales rouges, p. 51

 

Les vrais artistes trouvent leur force dans ce qui les accable. D'un empêchement à vivre ils font une grâce.

Christian Bobin L'équilibriste, p.19, Le temps qu'il fait

 

Être vivant, c'est être vu, entrer dans la lumière d'un regard aimant.

Christian Bobin L'inespérée, coll. folio # 2819

 

Le vrai père c'est celui qui ouvre les chemins par sa parole, pas celui qui retient dans les filets de sa rancoeur.

Christian Bobin Le Très-Bas., coll. folio #2681

La télévision, contrairement à ce qu'elle dit d'elle même, ne donne aucune nouvelle du monde. La télévision, c'est le monde qui s'effondre sur le monde, une brute geignarde et avinée, incapable de donner une seule nouvelle claire, compréhensible. La télévision c'est le monde à temps plein, à ras bord de souffrance, impossible à voir dans ces conditions, impossible à entendre.

Christian Bobin L'inespé

 

Taper Bobin dans le moteur de recherche  de ce site pour découvrir les autres posts.

 

03/11/2022

Les correspondants

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Un livre intéressant car c'est rare aujourd'hui de lire des correspondances d'amis.

Un vrai plaisir.

Se raconter tout en racontant les coulisses de leur processus créatif: les chanteurs Grand Corps Malade et Ben Mazué lèvent le voile sur une part de leur intimité dans un livre qui prend des allures de "making-of" de leur vie artistique. 

Le tout préfacé par leur troisième ami, le chanteur et auteur du roman "Petit pays", Gaël Faye, avec lequel ils ont sorti un disque de sept titres début septembre.

"Au départ, c'était une façon de garder le lien. Mais petit à petit, au fil des lettres, on s'est rendu compte que quelque chose d'autre se dessinait", explique Ben Mazué, 41 ans, à l'AFP.

Comme un exercice de psychanalyse mais sans divan, les deux comparses se confient à cœur ouvert: paternité, idoles de jeunesse... mais aussi sur la vie d'artiste, leurs doutes alors que la crise sanitaire joue les prolongations, leur rapport aux réseaux sociaux ou l'écriture d'un discours pour la réception d'une Victoire de la musique.

Moins connu du public que GCM, Ben Mazué, dont le dernier opus "Paradis" a été un succès public et critique, fait, depuis ses débuts en 2011, de sa vie l'essence de son oeuvre. 

"La vulnérabilité, j'ai pas de problème à en parler ça fait partie de mon arsenal émotif même si j'ai pas l'impression qu'on soit tombé dans l'apitoiement", explique celui qui a raflé sa première Victoire de la musique en février dernier.

"On ne s'est jamais dit +tiens, on va parler de ce thème, de la tournée, des enfants+ ... On n'a jamais fait de cahier des charges. On s'est laissé porter par cette correspondance comme si on prenait des nouvelles", poursuit également auprès de l'AFP Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade.

Alors même qu'ils s'écrivent, les deux hommes continuent de se voir.

Ces lettres deviennent un moment suspendu, loin du bruit des réseaux sociaux. "J'étais excité comme quand tu ouvres un paquet cadeau et tu te dis +mais de quoi il va me parler aujourd'hui+", poursuit le slameur du Blanc-Mesnil qui se déplace toujours à l'aide d'une béquille. "C'est une conversation parallèle, une relation parallèle qu'on n'a pas avec le texto et Whatsapp".

Avec sept albums au compteur, un livre et deux films remarqués qu'il a co-écrits et co-réalisés ("Patients" et "La vie scolaire", qui a réuni 1,8 million de spectateurs en salle) Fabien Marsaud veut défendre "cette envie d'écrire" à l'heure où les réseaux sociaux et les formats vocaux s'imposent dans le quotidien.

Le livre revient aussi sur l'angoisse des deux artistes pendant la crise liée au Covid-19. "On a sorti nos albums en même temps et la scène était impossible. Je recevais les bons chiffres de vente mais je ne vivais pas ce succès", confie GCM qui s'était fait le porte-voix du spectacle vivant au moment de la fermeture des salles avec le morceau "Pas essentiel".

"J'ai le sentiment qu'on est très vite passé à autre chose, on a très vite oublié mais grâce à ces courriers, cet album-photo sans photo, je peux revenir sur ces moments-là et me dire qu'on les a vraiment vécus", abonde Ben Mazué. 

Les correspondants, de GCM et Ben Mazué, préfacé par Gaël Faye.    JC Lattès  Octobre 2022

22:00 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)