28/01/2022
Paris-Briançon
Tous les ans, en janvier, sort un nouveau roman de Philippe Besson. Cette année, c'est "Paris-Briançon". Rien ne relie les passagers montés à bord du train de nuit no 5789. À la faveur d'un huis clos imposé, tandis qu'ils sillonnent des territoires endormis, ils sont une dizaine à nouer des liens, laissant l'intimité et la confiance naître, les mots s'échanger, et les secrets aussi. Derrière les apparences se révèlent des êtres vulnérables, victimes de maux ordinaires ou de la violence de l'époque, des voyageurs tentant d'échapper à leur solitude, leur routine ou leurs mensonges. Ils l'ignorent encore, mais à l'aube, certains auront trouvé la mort.
Ce roman au suspense redoutable nous rappelle que nul ne maîtrise son destin. Par la délicatesse et la justesse de ses observations, Paris-Briançon célèbre le miracle des rencontres fortuites, et la grâce des instants suspendus, où toutes les vérités peuvent enfin se dire.
Comme tous les romans de Philippe Besson, ça se dévore. Quand on ouvre le livre, difficile de le refermer. Et ici, pris de sympathie pour tous les personnages, on veut savoir qui va mourir à la fin, et, je l'avoue, je ne m'attendais pas à un tel dénouement.
Décidément, Philippe Besson s'affirme comme étant un bon écrivain qu'on attend tous les ans.
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18/11/2021
Changer: méthode
À moins de trente ans (il est né en 1992), Édouard Louis publie Changer : méthode, un quatrième récit autobiographique dans lequel il revient, encore et encore, sur son enfance, son adolescence, ses parents, sa découverte du monde des privilégiés, ceux pour qui la culture est une évidence, et son entrée éclair dans ce monde. Une légère désillusion teinte ces nouvelles confessions. Un livre intéressant.
Une analyse de ses écrits
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06/11/2021
L'homme qui peignait les âmes
Beauté, sensualité, spiritualité, consolation : les maître mots du nouveau roman de Metin Arditi : une pépite à découvrir !
L’auteur nous entraîne avec lui en Palestine en 1079, sur les traces d’un jeune juif, Avner, dont la principale activité est de pêcher et livrer des poissons dans un monastère. L’histoire débute alors qu’il est âgé de 14 ans et mène alors une vie paisible auprès des siens, sensible à son environnement et comblé par des choses simples tels le parfum des figuiers, les saveurs du vin, les papillons qui l’entourent… Attiré par les chants liturgiques des moines, il pénètre un jour dans l’église, bravant ainsi l’injonction paternelle de s’en tenir éloigné, et tombe littéralement saisi en découvrant une icône représentant la sainte trinité. Dès lors, il n’a plus qu’une seule chose en tête : réaliser lui aussi de telles œuvres. Pourtant, rien de moins simple : devenir iconographe requiert un long apprentissage technique et spirituel et, surtout, être habité par la foi, ce dont il est dépourvu…
Avner va néanmoins suivre sur les chemins de Palestine un marchand musulman, Mansour, qui traverse le pays pour vendre aux monastères tous les ingrédients nécessaires à la fabrication d’icônes. C’est ainsi qu’Avner s’installe au Monastère de Mar Saba, proche de Bethléem, où il va se réaliser pleinement. Mais au bout de dix ans, son séjour s’achève en demi-teinte dans la mesure où ses réalisations divisent les moines, considérées par la majorité d’entre eux comme blasphématoires. Les icônes recèlent en effet une spécificité : on ne les peint pas, on les écrit et la nuance est fondamentale. Les iconographes ne doivent en aucun s’inspirer de figures humaines, ce que fait pourtant Avner.
« Plutôt que de représenter la part d’humain dans le Christ et ses Saints, Avner inversait la démarche, faisait surgir la part de divin enfouie en chacun ».
Contraint de quitter ce monastère, Avner reprend la route en compagnie de Mansour et finalement, gagne en liberté, s’affranchissant des règles contraignantes que représente l’écriture d’îcones : il va se mettre à peindre les portraits de personnes humaines et révéler en chacune leur côté « divin », leurs beautés cachées. C’est ainsi que de pêcheur de poissons, Avner est devenu un pêcheur d’âmes.
D’une sensualité saisissante, mettant tous les sens du lecteur en éveil, « L’homme qui peignait les âmes » est aussi empreint de spiritualité. Avner a dû renoncer à sa judéité et s’éloigner de son père pour devenir iconographe, ce qui l’a conduit à avoir pour meilleur ami un musulman. Il dit :
« J’ai Foi en l’homme, œuvre suprême du Seigneur. J’ai foi en toutes les beautés du Ciel et de la Terre. Et ma manière d’écrire des icônes est conforme à mon devoir de gratitude à l’égard de la vie ».
Les religions ici se rejoignent et les frontières entre elles tombent, contribuant ainsi sans aucun doute à une certaine forme de consolation. Ce thème sous-tend tout le roman. C’est elle qu’entrevoit Avner lorsqu’il découvre les icônes : « un monde paisible et consolant, tellement moins sévère que celui dans lequel ils vivaient ». « L’essentiel était la consolation que procuraient les icônes ». Et celle que lui aussi va finalement apporter à tous ceux qu’il va représenter. Une lecture riche de sens et d’émotion, une écriture engagée qui vous emporte : Metin Arditi est un humaniste, un conteur hors pair, un homme érudit et passionnant ! Son roman est à découvrir !
L’homme qui peignait les âmes – Metin Arditi
Grasset Parution en juin 2021
À propos de l’auteur
Écrivain francophone d’origine turque, Metin Arditi est l’auteur d’essais et de romans, parmi lesquels Le Turquetto (Actes Sud, 2011, prix Jean Giono) et, chez Grasset, L’enfant qui mesurait le monde (2016, prix Méditerranée), Mon père sur mes épaules (2017) et Rachel et les siens (2020). En 2019, il a publié le Dictionnaire amoureux de l’esprit français (Plon-Grasset).
Des heures de grâce à lire ce très beau roman.
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17/10/2021
Le Transfo se livre
Au cœur du marais poitevin, aux portes de la Vendée, la ville de Benet lance la première édition de son salon du livre : Le Transfo se livre.
Le dimanche 17 octobre, de 10h à 17h, venez y retrouver le stand de la librairie et une quarantaine d'auteurs de la région en dédicace.
J'y serai dans l'après-midi avec mes recueils "Verte Venise" , "Les jours sans bagages" et "Après toi languit ma chair".
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29/09/2021
Histoire de notre temps
Johann Chapoutot, Professeur d’Histoire Contemporaine à la Sorbonne, auteur de "Le grand récit - Introduction à l’histoire de notre temps" (PUF), est l'invité de Léa Salamé, ce matin, mercredi 29 septembre, sur France Inter.
Pourquoi ce besoin de toujours croire en quelque chose ? “Nous sommes des êtres symboliques, des êtres de langage, nous avons besoin de récit pour cartographier notre position dans le monde et supporter ce petit détail : le fait que nous sommes mortels. Lorsque l’on parle de comprendre la logique de quelqu’un, derrière il y a le logos, le discours, le récit.”
“Il y a eu un vide laissé par le providentialisme, qui était l’explication dominante jusqu’à la première guerre mondiale, et qui a reflué devant les grandes catastrophes du XXe siècle et devant le scientisme", explique l'historien. "Pour remplir ce vide, il y a eu des religions politiques. Des idéologies comme le communisme, le fascisme, le nazisme, sont des positions anthropologiques, qui définissent votre position dans le monde, votre rapport à la mort, et sont donc de fait des propositions religieuses.”
Aujourd'hui, on voit apparaître de nouvelles croyances, comme le complotisme : “On ne peut pas ne pas faire l’hypothèse de la bêtise, parfois”, reconnaît Johann Chapoutot. Mais pour lui, il faut le prendre au sérieux, “de même qu’on a eu tort de ne pas prendre au sérieux les propositions idéologico-religieuses des fascistes, des nazis, des staliniens, qui étaient incarnés par des acteurs qui y croyaient. Le complotisme est une manière de faire de la religion sans dieu : c’est tout expliquer par une force obscure, on congédie dieu mais on garde le diable, les pédo-satanistes, les reptiliens, les juifs qui sont toujours de bons candidats à l’explication par la causalité diabolique.”
“On constate qu’il y a investissement dans un discours complotiste lorsqu’il y a de grands traumatismes sociaux.”
Il y a aussi le déclinisme, le “c’était mieux avant” : “Ça marche parce qu’il y a des traumatismes sociaux massifs : la mondialisation, la désindustrialisation, la pandémie… Il y a un besoin de se recroqueviller vers quelque chose de fantasmé qui aurait été mieux avant. C’est une vieille tradition, qu’on peut mettre en perspective avec la tradition romaine : au premier siècle de notre ère, à l’acmé de l’empire romain, tous les historiens romains disaient que c’était mieux avant et que Rome était en train de se déglinguer !”
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26/07/2021
Plus fort que le fruit
Le passé n'est pas un monde perdu. Le vivre dans le présent n'est pas de la nostalgie. Ce qui est passé est possédé, définitivement. Je dis "ma vie est belle" parce que j'ai la chance de sentir le passé dans le présent. Il y est, il n'attend rien que de se déployer. Il est le contraire de la prière, de la transcendance, de l'abstraction. Je déteste la pureté, si la pureté, c'est se débarrasser de tout. Je veux m'embarrasser de tout. Avoir vécu les choses sans les avoir perdues, les instiller dans le monde qui vient, faire du présent un alcool fort, le goût du fruit plus fort que le fruit.
Philippe Delerm "La vie en relief" (Seuil 2021) p 76
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