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28/07/2020

Vivre avec l'écriture

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Au XVIIème siècle, à la fin de la dynastie Ming – époque de bouillonnement et de bouleversement, où l’Occident même était présent avec la venue des premiers missionnaires jésuites en Chine –, dans un monastère de haute montagne, un homme qui n’a pas encore prononcé ses vœux se décide à quitter ce lieu de paix et de silence pour retrouver, trente ans plus tard, la seule femme qu’il ait jamais aimée.
Un roman d’envoûtement et de vérité, récit d’une passion – celle d’un Tristan et Iseult chinois, avec ses codes et ses interdits aussi précis que stricts – qui n’est pas seulement affaire de cœur et des sens, mais engage toute la dimension spirituelle de l’être, ouvrant sur le mystère de l’univers et le transfigurant.

Alors que je viens de terminer la lecture de ce magnifique roman "L'éternité n'est pas de trop" (Albin Michel - 2002) prêtée par une amie pour ce temps d'été, j'ai trouvé sur la toile ce témoignage de François Cheng qui dit humblement le lien très étroit entre la vie et l'écriture, lien que je partage entièrement.   TP

09/05/2020

Qu'est-ce qu'un poète?

 
jp siméon.jpgLe fou des mots, voilà une rubrique que "Marianne" dédie au mot. Descendre dans la langue française, plonger dans les classiques, saluer les contemporains, retourner l’étymologie comme on retourne la terre. Le poète Jean-Pierre Siméon se demande, précisément, ce qu'est un poète, ce qu'il peut comme ce qu'il ne peut pas.

Je suis poète . Allons donc, qu’est-ce qu’un poète, ce rêveur des bords de rivière et des matins qui chantent, peut bien avoir à dire de sérieux dans des circonstances aussi graves que celles que, immobiles, nous traversons ? C’est aujourd’hui n’est-ce pas l’heure de la pensée rigoureuse et des experts en tout genre, infectiologues, virologues, psychologues , sociologues, tous les machinologues qui divisent la réalité en fragments pour mieux la maîtriser je suppose.

Le poète n’a aucune expertise et surtout pas en matière de virus couronné ou de gestes barrières et il ne prétend nullement à une maîtrise du réel. Mais pour peu que l’on veuille bien admettre que ledit réel n’est pas qu’une affaire d’atomes et de molécules et que vivre et mourir ne se réduisent pas à la gestion de mécanismes objectifs que conceptualisent les machinologues en tout genre, et que toute vie humaine d’autre part se signale par la conscience simultanément effarée et désirante du chemin qu’elle doit s’inventer dans la profondeur mystérieuse d’un réel qui la dépassera toujours, alors le poète a en toutes circonstances son mot à dire.

L'écho le plus juste et le plus nécessaire

 
Ce qu’il dit peut fort bien, paradoxalement, n’avoir aucun rapport exact avec l’actualité du moment et en être cependant l’écho le plus juste et le plus nécessaire, voyez le récent succès du poème Couvre-feu d’Eluard sur le net. C’est que la parole du poète prend en charge cette part du réel qui ne relève d’aucun savoir constitué et que le discours des experts préoccupés des faits et des effets de surface manquent à tout coup: c’est le réel en nous filtré et recomposé par la pensée, le sentiment, l’émotion, la sensation. Appelons ça les effets de profondeur.
Que l’événement induit mais qui échappent à l’événement. Et dont le poème est la transcription et l’occasion du partage. Or il se trouve que dans une vie d’homme il n’y a jamais que deux événements, l’amour et la mort, le sommet d’intensité de la vie ou sa disparition, quelles que soient les formes visibles et variables de ces événements. Est-il utile de rappeler qu’on lit souvent des poèmes à l’occasion d’un mariage ou d’un enterrement ?

L’événement d’aujourd’hui c’est la mort

L’événement d’aujourd’hui c’est la mort. Ou plutôt l’irruption de la conscience de la mort dans la vie, cela qui redistribue les cartes de l’existence et est depuis toujours la raison d’être de la poésie et sans doute sa définition ultime. Tout poème a pour arrière-pays la mort ou quelqu’un de ses avatars, la solitude, la perte, l’exil, la chute...et dit simultanément le prix exorbitant de la vie et des infinies beautés de ses apparitions. Ce que formulait ainsi René Char: "La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil".
Lisez à peu près n’importe quel poème, fût-il écrit il y a mille ans, il y a de fortes chances qu’il consonne à l’état émotionnel collectif du moment : tout poème vibre de la vie qu’il porte dans la prémonition de sa perte. "Il n’aurait fallu / Qu’un instant de plus / Pour que la mort vienne..." , cet incipit d’Aragon est pour le poète l’incipit de chaque instant.
Ce principe du prix de la vie dans la mort dont procède tout poème est par ailleurs le fondement d’une conception de l’existence et de la vie humaine que depuis toujours, au-delà de ses formes et fonctions diverses, la poésie inlassablement propose. On ne l’a jamais vraiment prise au sérieux parce qu’elle contrevient radicalement aux attendus constants du développement des sociétés humaines depuis l’aube des temps : un progrès dont les fins et les moyens sont l’avoir, le pouvoir et le paraître et dont le libéralisme marchand mondialisé est par exemple le triomphe.

une autre manière d’habiter le monde pour programme

La poésie n’est évidemment ni l’exposé systématique ni le programme mais l’intuition et l’argumentaire implicite d’une autre manière d’habiter le monde. Il y a mille façons d’habiter poétiquement le monde dont chacun fait possiblement l’expérience, même sans crise virale, dans ces heures de parenthèse qui suspendent sa vie mercenaire ou qui s’essaient dans ces chemins d’existence alternatifs que beaucoup s’inventent depuis toujours en contrebande.
Elles ont pour dénominateurs communs le refus du primat de l’avoir sur l’être, de la relation de pouvoir à l’autre, l’autre humain, la nature et les animaux même ( Rimbaud dans la fameuse lettre du Voyant), de l’imposture qui décide de la valeur de l’être dans le paraître. Cela a tout à voir avec l’affaire du coronavirus qui est un nouveau symptôme après beaucoup d’autres d’un mauvais usage du monde, littéralement mortifère, cette fois la preuve est immédiate et flagrante .
Penser un autre usage du monde, à l’opposé exact de l’ordre ancien, est donc bien une urgence sauf pour ceux qui comme Luc Ferry, curieux philosophe à la pensée confinée dans l’idéologie qui l’arrange, prennent en panique les devants pour affirmer que l’après doit continuer l’avant, business as usual, et que c’est l’option la plus raisonnable (cf. Le Figaro du 30 mars). On voit où mène le genre de raison qu’il invoque. Monsieur Ferry, pour qui sans aucun doute tout était naguère pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles à part un éventuel mal de dent, prétend en quelque sorte qu’il faut avoir le sens des réalités.

le sens des réalités va contre le sens de la réalité

Je tiens pour ma part, comme le poète Georges Perros, que "le sens des réalités va contre le sens de la réalité". Je doute certes que l’objection d’un poète ébranle la ferme certitude de Monsieur Ferry pour qui la poésie relève probablement du quart d’heure de récitation à l’école ou de la cerise sur le gâteau des vieilles humanités. N’est-ce pas lui qui nommé en 2002 ministre de l’Education nationale décida d’emblée de supprimer les deux tiers de la subvention du Printemps des Poètes naissant ?

Refonder notre relation au monde individuellement et collectivement selon un principe poétique sine qua non n’est ni simple ni confortable, c’est même d’évidence un risque comme toute liberté prise avec les vérités admises . Il y a heureusement des philosophes qui n’hésitent pas à ce risque. C’est par exemple aujourd’hui l’heure exacte pour lire ou relire l’Eloge du risque d’Anne Dufourmantelle, cet extraordinaire bréviaire de la vie indexée à l’insatiable désir d’inconnu et dont chaque page offre l’exemple d’une pensée qui au péril de son courage réfute toute assignation à résidence du sens, donc à la résignation.
On y lit par exemple ceci : "Sacrifierons-nous encore et toujours davantage à nos appétits affamés de pouvoir et de maîtrise technologique, ou aurons-nous l’audace de reprendre en nous la responsabilité d’une difficile liberté qui ne se risque qu’à mesure où elle se trouve menacée ?"
 
 
 
 
 
 

21/04/2020

Un cri pour la terre

Attention! ça dure 3 heures 30 mais c'est passionnant.

Conférence de Guillaume Corpard, un ami.

24/02/2020

Chantes-tu tantôt?

Beau témoignage du chanteur Tim Dup sur l'orientation de sa vie.

11/12/2019

La nuit du coeur

Christian Bobin: La nuit du coeur

06/11/2019

Prêtre et poète

cev_n181_temoin_livre.jpgCuré des paroisses de Benet et de Maillezais, le Père Thierry Piet est aussi un grand amateur de poésie, qui a déjà composé onze recueils et un livre. Le dernier, intitulé « Verte Venise », est né de ses promenades contemplatives dans le Marais poitevin, un lieu propice à la méditation et à la contemplation de la Création.

 

Arrivé en Vendée à l’âge de neuf ans du département voisin des Deux-Sèvres, le jeune Thierry s’installe avec sa famille à Fontenay-le-Comte. S’il avait ressenti au fond du cœur l’appel de Dieu à Le suivre, c’est véritablement lorsque son curé lui pose la question qu’il se décide à entrer au séminaire. « Je me souviens mot pour mot de ce qu’il m’a dit, lorsque j’avais environ dix ans : "As-tu pensé un jour à devenir prêtre ?", raconte Thierry Piet. Il suit alors le parcours classique de l’époque, à Chavagnes-en-Paillers puis au petit séminaire des Herbiers. Après son premier cycle à Angers, puis son service militaire, il passe trois ans à la fac de lettres modernes à Nantes. Il y cultive son goût pour la poésie et l’art des mots, qu’il avait découvert en classe de cinquième, grâce au Père Gilles Hybert, autre prêtre du diocèse, également poète, qui était son professeur. « J’ai commencé par traduire des chansons anglaises, puis j’ai écrit des choses plus personnelles ». A Fontenay, il rencontre une personne qui connaît bien le milieu artistique, et qui le pousse à écrire son premier recueil de poèmes. Il a alors 23 ans.

 

Pour ce grand amateur de lecture, la poésie fait désormais partie de sa vie. « On ne peut pas écrire si on ne lit pas ! », estime Thierry Piet, pour qui la Parole de Dieu est aussi source d’inspiration. Ordonné prêtre en 1987 pour le diocèse de Luçon, de spiritualité salésienne, il exerce différents ministères, d’abord comme vicaire aux Herbiers, puis à la Roche-sur-Yon auprès des lycéens pendant dix ans. Il se souvient des grands temps forts organisés pour les jeunes avec des témoins comme le Père Guy Gilbert ou Steven Gunnell, le chanteur chrétien, mais aussi Maurice de la Pintière, auteur des tapisseries sur l'Apocalypse exposées à l'UCO d'Angers. En parallèle, il est aussi aumônier diocésain de l’ACI, l’action catholique des milieux indépendants. "J’ai apprécié d’accompagner tous ces actifs, qui ont de plus en plus soif de spirituel et de formation biblique. Tous cherchent à donner sens à leurs responsabilités dans le monde du travail et partout où ils sont présents".

En 2006, le Père Thierry Piet arrive dans la paroisse Saint Joseph des Monts et Vallées, au Boupère, dans le bocage. Auprès de deux confrères prêtres, il découvre un dynamisme pastoral, avec plus d’une centaine de premières communions chaque année, une vie associative développée et des liens forts avec les municipalités. Il met aussi en place les communautés chrétiennes de proximité et la conduite des funérailles pour les laïcs.

 

L’EXPÉRIENCE DE LA FRAGILITÉ

 

Au début de l’année 2014, un grave problème de santé survient. « Il y a bien un avant et un après février 2014 ! J’ai fait une hémorragie méningée. Dans l’ambulance qui me conduisait vers l’hôpital de Cholet, je voyais le ciel étoilé. J’ai alors pensé à Abraham. Même si j’ai toujours su que j’allais m’en sortir et que j’ai toujours gardé confiance, j’ai vécu cela comme une alerte, un avertissement de ne pas aller au-delà de mes forces. J’ai fait l’expérience de la fragilité », raconte-t-il. « Aujourd’hui, on doit toujours faire plus, plus vite ! On ne peut pas tenir si on ne se réserve pas des temps de repos ». Au cours de sa convalescence, la lecture des Psaumes est pour lui un soutien spirituel fort. Depuis son arrivée à Benet, il y a trois ans, il aime se ressourcer dans le Marais, une promenade contemplative qui le conduit jusqu’à Maillé. Tombé sous le charme de cette région, il vient de composer un recueil intitulé « Verte Venise », avec des photos de Sylvain Ruelle, édité par Echo Optique, une association qu’il a créée avec d’autres il y a trente ans aux Herbiers et qui fait la promotion de la poésie sous toutes ses formes. « Tout ce qui est écrit, je l’ai vécu et ressenti. Je suis heureux de pouvoir emmener le lecteur dans cette promenade contemplative, qui invite à élever le regard vers Dieu », souligne-t-il.

 

Désormais curé de deux paroisses, celle de Benet et depuis septembre, celle de Maillezais, le Père Thierry Piet explique que l’esprit missionnaire est bien développé, les paroisses restant marquées par la présence des Missionnaires de la Plaine, même si les sœurs oblates de Sainte Thérèse ont quitté Benet en septembre. Une page se tourne. Mais le Père Thierry Piet, s’appuyant sur des fidèles paroissiens, note le dynamisme vécu au sein des communautés chrétiennes. Il a par exemple mis en place le « caté dimanche », pour les enfants et les parents une fois par mois, qui se termine par l’eucharistie. « C’est cela vivre en disciple-missionnaire ! », conclut-il.

Anne Detter-Leveugle

Catholiques en Vendée n°181 - Novembre 2019