06/10/2012
De l'art d'écrire
Rencontre avec Sylvie Germain (Revue Prier)
De l’art d’écrire
Du travail, de la lecture, de l’étonnement... Pour Sylvie Germain, la foi se nourrit d’une alchimie complexe. A laquelle l’écriture vient donner un sens. L’écrivain explore avec nous la dimension spirituelle de son art.
Prier : Qu'est-ce qui a déclenché votre foi ?
Sylvie Germain : Il est difficile de répondre publiquement à une telle question tant cela me paraît intime, délicat à exposer, et surtout, tant la foi est pour moi creusée d'incertitude, de doutes. Rien, ni personne, ne l'a déclenchée d'un coup. Pas même la lecture des auteurs spirituels, même s'ils ont compté. La place manque ici pour les évoquer, car ils seraient nombreux à mentionner et chacun mériterait un commentaire approprié.
Votre vocation d'écrivain vous est-elle venue en lisant ces auteurs spirituels ?
Elle est née de façon obscure, et lente, à partir de tout un ensemble de lectures (romanesques, philosophiques, poétiques...), et tout autant de l'appréciation d'autres œuvres — musicales, cinématographiques, picturales... Elle est surtout née de questions posées devant les déchirements de l'Histoire et les violentes trahisons commises par l'Occident à l'égard du message évangélique. A vrai dire, il n'y a pas de réponse à la question "Pourquoi écrivez-vous ?", pas plus qu'à celle consistant à demander à une personne amoureuse : "Pourquoi aimez-vous ?" L'écriture, comme toute forme de pratique artistique, a en effet, fondamentalement, quelque chose en commun avec l'amour : une même dynamique du désir qui emporte dans une aventure dont on ne sait rien de précis à l'avance. On répond dans chaque cas à une nécessité intérieure, impérieuse et lancinante. C'est une façon, parmi d'autres, d'interroger le monde, de creuser le réel, de sonder la vie, en tâtonnant. Et il faut aussi mentionner l'amour du langage.
Vous évoquez une "nécessité intérieure". L'écriture serait-elle une manière détournée de prier ?
Cette question en appelle d'emblée une autre : qu'est-ce que la prière ? Il y a tant de façons de prier. Savoir s'arrêter devant un paysage, une œuvre d'art qui émeut, un visage rencontré, et se laisser alors pénétrer par le mystère de la beauté de la nature, de l'univers, ou des créations humaines, par celui de la vulnérabilité du visage humain, se laisser bouleverser (dans un mélange d'éblouissement et d'obscurcissement) par l' "inévidence" de la vie, tout cela c'est aussi une forme de prière. Une prière nue, pauvre, naissante. Dans la mesure où l'écriture passe par cet "arrêt" devant le monde, devant l'énigme de la vie humaine, et transforme son étonnement en questionnement, en quête de sens, elle suit un chemin semblable à celui de la prière — par d'autres voies, très détournées, effectivement.
La Bible occupe une place importante dans votre vie. Vous avez même écrit un livre, "Tobie des marais", à partir d'un personnage biblique. Comment avez-vous fait ce choix ?
Dans la Bible, toutes les passions humaines sont mises en jeu, grandeur et misère de l'homme y sont brassées. C'est pourquoi de nombreuses figures de la Bible (comme les héros des mythes) peuvent inspirer des romanciers, des dramaturges, des peintres ou des musiciens ; la Bible offre une fabuleuse "matière" humaine à penser, repenser sans cesse, à interroger en la remodelant. "Le Livre de Tobie" est un texte court, très dense, mettant en scène quelques personnages dignes des grandes tragédies grecques, et il est structuré comme un bref roman, avec la montée d'un drame, un entrelacement des destins, et un dénouement au terme duquel les personnages parviennent, précisément, à échapper à la pesanteur du "destin", à entrer, enfin libres, dans la vie. Prendre un tel récit comme point de départ d'un roman, s'en inspirer — très librement mais en en conservant les enjeux et les axes essentiels —, c'est une manière de renouveler sa lecture de la Bible et des passions humaines. La foi se nourrit de tout travail, de toute lecture, de tout étonnement transmué en questionnement, donc l'écriture d'un roman inspiré par un récit biblique aide, à défaut de déboucher sur un approfondissement, à avancer dans son tâtonnement.
"La prière, comme les psaumes, est un vertige", dites-vous. Qu’entendez-vous par là ?
La prière est un vertige, comme toute pensée qui s'efforce de penser au-delà de ses limites, qui s'aventure dans l'inconnu. C'est une expérience que chacun peut faire dès qu'il affronte l'immensité et la complexité du monde, du temps, de la vie et de la mort. Dans les psaumes, ce vertige monte parfois à l'aigu, que ce soit dans la détresse ou dans la jubilation. La voix du psalmiste est celle de l'humain qui crie, chante ou gémit sans masque aucun, à nu, à cru, front contre front avec l'invisible, avec le mystère. Avec Dieu. La prière est à la fois une attestation de pleine présence de soi au monde, une déclaration d'amour (aussi malheureux puisse-t-il être) à la vie, et un aveu d'insuffisance, d'incomplétude, également un appel à l'aide, au sens, à la lumière.
Pourquoi creusez-vous avec tant de persévérance dans vos livres le thème du silence de Dieu et celui du mal ?
Est-ce que le mal se poserait comme scandale à la conscience humaine si toute idée de Dieu était radicalement absente ? Loin d'atténuer le tourment provoqué par le caractère coriace du mal qui sévit sur la Terre, la pensée de l'existence d'un Dieu à la fois tout puissant et infiniment miséricordieux aggrave ce tourment, faisant du mal un paradoxe insoutenable. Et pourtant, il nous faut essayer de penser cet impensable — on ne peut pas (on ne doit surtout pas) nier l'existence du mal, ou le minimiser, encore moins s'en accommoder, ou lui trouver des "explications". Le paradoxe est là, défi brutal et douloureux lancé sans cesse à notre conscience. Ecrire des romans où le mal est mis en scène à travers des situations dramatiques et des personnages en proie à l'ivresse de la cruauté, de la méchanceté, ou simplement malfaisants par lâcheté, par petitesse, ou écrire des essais abordant directement la question, est une tentative parmi d'autres de penser cet impensable qui échappe à la raison, ne se satisfait d'aucune réponse.
C'est le retrait de Dieu qui rend possible le mal ?
A propos de l'horreur du mal tel qu'il a culminé lors de la Shoah, Emmanuel Levinas écrit, dans un très beau texte de "Difficile liberté", qu'il y a sur la voie qui mène au Dieu unique un relais sans Dieu. Le vrai monothéisme se doit de répondre aux exigences légitimes de l'athéisme. Un Dieu d'adulte se manifeste précisément par le vide du ciel enfantin. Et l'on revient à l'idée de vertige... Mais il faut néanmoins endurer ce vertige, lui faire front, et puiser en soi, en sa conscience morale, la force de tenir ouverte la possibilité d'un Dieu dans le "ciel vide", d'une présence dans l'absence pourtant flagrante, d'une lumière dans le plus ténébreux des silences. Il ne s'agit pas ici d'"inventer" une consolation, de s'accrocher à un espoir enfantin, mais de sauvegarder un espace de pensée par-delà le chaos du mal, une espérance envers et contre tout — afin de ne pas laisser au mal le dernier mot.
En tant qu’écrivain, comment conciliez-vous la quête de reconnaissance, sinon de célébrité, et le narcissisme qui la sous-tend, avec votre vie spirituelle ?
Les grands mystiques n'ont jamais écrit pour être édités, et la plupart du temps ils n'ont écrit que pour répondre à la demande de leurs proches, au sein d'une communauté, d'un monastère... Un romancier, même très ardent dans sa foi (comme Bernanos, par exemple) ne peut pas écrire dans un tel détachement. Mais il y a peut-être un équilibre, très délicat, difficile à trouver, à instaurer entre le fatal narcissisme de l'auteur désirant être reconnu, apprécié, et l'indifférence à soi, l'oubli de son petit ego où conduit toute vie authentiquement spirituelle. Un homme comme Maurice Zundel, pour lequel j'ai une grande d'admiration, qui a beaucoup écrit, a exprimé ce trouble dans une lettre à un ami. Mais il est vrai que Zundel était, lui, un homme profondément mystique dont chaque texte est une éblouissante méditation, une haute prière, un véritable exercice liturgique.
Romans et essais : l'œuvre de Sylvie Germain compte une vingtaine de titres. Des livres dans lesquels elle met en scène la violence du monde et son propre questionnement mystique. Son talent d'écrivain a souvent été honoré. Entre autres récompenses, elle a reçu le prix Femina en 1989, des Librairies catholiques en 1997, et des Ecrivains croyants en 2000. Dernières publications : "Les personnages" (Gallimard) et "Songes du temps" (DDB).
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30/09/2012
Croire
La foi n'est pas un bagage, mais un voyage.
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28/09/2012
L'Eglise et le monde
Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. (Début de la constitution Gaudium et Spes du Concile Vantican II)
Prière
Seigneur, bénis ceux qui s'efforcent de partager avec les autres les espoirs et les tristesses, les joies et les peines... Soutiens ceux qui n'osent répondre "me voici".
Seigneur, bénis ceux qui ont entendu l'appel à témoigner de ton amour et y ont répondu... bénis aussi ceux qui cherchent, tâtonnent ou hésitent.
Seigneur, bénis ceux qui osent se mettre en chemin pour être ta présence aimante auprès de toute solitude, souffrance, peine, isolement...
Seigneur, bénis-nous, nous sommes réunis par l'amour de ta Parole, que ton Esprit soutienne et éclaire nos recherches et échanges afin que notre Eglise et nos communautés et nous-mêmes soient signes du Salut apporté par le Christ.
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27/09/2012
Il faudrait que le prêtre soit...
Il faudrait que le prêtre soit :
Un homme qui s’est battu avec Dieu,
Une source de sanctification,
Un pécheur que Dieu a pardonné,
De ses désirs le maître,
Un serviteur pour les timides et les faibles,
Qui ne s’abaisse pas devant les puissants,
Amis se courbe devant les pauvres,
Disciple de son Seigneur,
Chef de son troupeau,
Un mendiant aux mains largement ouvertes,
Un porteur de dons innombrables,
Un homme sur le champ de bataille,
Une mère pour réconforter les malades,
Avec le sagesse de l’âge et la confiance de l’enfant,
Tendu vers le haut, les pieds sur( la terre,
Fait pour la joie,
Connaissant la souffrance,
Loin de toute envie, clairvoyant,
Parlant avec franchise,
Un ami de la paix,
Un ennemi de l’inertie,
Constant à jamais…
Si différent de moi !
Un curé du Moyen Âge, manuscrit trouvé à Salzbourg
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25/09/2012
Intériorité
La recherche de la transparence est-elle une quête de vérité ? (Stéphane Marcireau)
Le modèle jusqu’ici prégnant dans l’esprit scientifique semble être celui de la machine ou de l’automate, dont les mouvements sont prévisibles dès lors que l’on en connaît le mécanisme. Cette approche fait écho à Descartes et sa théorie des animaux-machines selon laquelle tous les êtres vivants seraient composés de tuyaux et de ressorts, minuscules, dont le mécanisme s’apparenterait à celui d’une « machine ingénieuse »... A l’image de ces ordinateurs transparents dont on découvre les circuits et l’ossature, la machine possède un fonctionnement que l’oeil du spécialiste connaît et anticipe : une formule d’auguste Comte révèle bien cette conception moderne lorsqu’il déclare « science d’où prévoyance, prévoyance d’où action ».
Si la recherche de transparence semble logiquement s’apparenter à la quête de vérité menée par une certaine forme d’esprit scientifique, pouvons-nous cependant accepter l’extension de cette recherche à l’être humain ?
L’enjeu de la transparence
L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de préserver une spécificité humaine où l’homme posséderait un for intérieur, une singularité imperméable à toute emprise extérieure, imprévisible aux yeux de tout expert. Soyons plus précis encore : plutôt que de parler d’esprit scientifique, évoquons un « esprit de système » qui chercherait à tout saisir, à tout organiser selon l’idée que « tout ce qui est rationnel est réel » et que « tout ce qui est réel est rationnel ». Hegel incarnerait ici l’effort de rationalisation du monde dans une quête de vérité et de transparence.
Il est difficile d’aller à contre-courant de ce grand philosophe sans sombrer dans l’irrationalisme, l’intégrisme religieux ou le mysticisme. Pourtant, pour qui veut résister et ne pas être considéré comme un rat de laboratoire dont on pourrait étudier le comportement, comme l’illustrait brillamment l’émission « Loft Story », il faut restaurer l’idée d’humanité, de singularité personnelle. Il faut ressusciter l’intériorité.
Il faut ressusciter l’intériorité
L’intériorité, telle la pudeur, se révèle comme une résistance, un choix de ne pas se livrer. Ainsi cette discrétion, cette rétention, constituent comme une caisse de résonance qui permet à l’individu de vibrer à lui-même et au monde.
La vérité d’un être résiderait alors dans un certain hermétisme à autrui, en vue d’un épanouissement intérieur. D’ailleurs, la religion qui appelle à fermer la porte pour prier Dieu en son coeur n’invite-t-elle pas au déploiement de l’intériorité et au surgissement de l’individu ?
Ruche ou société humaine ?
Par conséquent, une société ou un monde qui voudraient tout exposer et saisir le fonctionnement de chacun de leurs représentants, s'apparenteraient à une ruche ou une fourmilière dans lesquelles aucun élément individualiste et rebelle n’apparaîtrait. D’ailleurs un comportement et une consommation universels ne sont peut-être possible que dans le cadre de cette disparition de la singularité et de l’intériorité.
En conclusion
Pour finir, rappelons qu’il ne s’agit absolument pas de dénigrer l’esprit scientifique, et encore moins les sciences humaines (sociologie, psychologie...) ou les sciences de la nature (biologie...). Il s’agit pour nous de conserver une spécificité à l’être humain. Or celle-ci se gagne ou se perd : l’homme n’est pas donné d’avance, il se construit et s’édifie.
Ainsi, celui qui n’a pas su perdre de son temps, qui n’a pas gardé un jour, jalousement, une pensée secrète ou qui n’a jamais éprouvé la solitude, celui-ci n’a pas encore commencé à gravir la montagne de l’intériorité. Une montagne où peuvent résonner d’autres appels, d’autres échos. Peut-être est-ce dans ces hauteurs (et dans ces profondeurs !) que résonne la foi ?
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19/09/2012
Ecrire
Ecrire, écrire, toujours écrire. Ecrire c'est une envie, un besoin, une nécessité, une rage... Ecrire c'est s'accomplir, devenir, grandir... Ecrire, c'est être, comparaitre devant soi tout en étant à la fenêtre de sa vie et de la vie du monde. Ecrire, ce n'est pas seulement prendre la plume, c'est aussi se prendre la main pour partager à qui veut le lire quelque chose de soi. Chaque expérience a quelque chose d'unique et d'universel. Quand on croit tout inventer, on écrit que ce qui a été dit passé au tamis de ses émotions et de ses aspirations. Ecrire est un travail, un travail sur soi pour naître sans cesse au monde. TP
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