18/08/2010
Le temps des vacances
Y a-t-il une manière chrétienne de prendre des vacances ? J’ai envie de répondre : oui et non. Non, parce l’Évangile ne définit pas une culture et ne donne pas des méthodes qui seraient propres au chrétien. C’est à chacun, dans la liberté que donne l’Esprit-Saint, de chercher comment il peut faire, de ce temps de vide, un temps de liberté. Mais je dirais également oui, parce que des vacances vécues dans un esprit chrétien ne sauraient se dispenser d’être :
Le temps du lâcher-prise
Le temps de vacances vient rappeler à l’homme qu’il n’est pas le propriétaire de son emploi du temps, de son action, de sa vie : mieux que cela, il en est le gestionnaire.
Le temps des vacances vient aussi nous dire que nous valons plus que le simple produit de notre activité. C’est un point important, à notre époque où volontiers on estime les gens à l’aune de leur efficacité, de leur rentabilité, de leur productivité. Savoir lâcher prise, c’est reconnaître humblement que nous sommes les ouvriers de la vigne du Seigneur, mais que nous n’en sommes pas les maîtres. C’est reconnaître que notre travail - si important soit-il - n’est qu’une mission confiée par le Seigneur pour bâtir son Royaume.
Le temps de vacances représente enfin l’annonce et l’anticipation du Royaume de Dieu vers lequel nous marchons à la suite du Christ. Déjà le sabbat était posé comme le sceau de la semaine pour rappeler à l’homme son destin : entrer dans le repos de Dieu. C’est encore aujourd’hui le sens de ce huitième jour que constitue le dimanche qui nous fait anticiper la Résurrection au cœur de nos vies, et nous invite à marcher joyeux à la rencontre du Royaume.
Le temps de la prière
Que de fois n’avons-nous pas dit et entendu dire : Je n’ai pas le temps de prier ! Voici que les vacances sont le temps favorable où nous pouvons le faire - non dans la crispation, l’urgence ou la répétition mécanique, mais dans la détente et la paix. Il y a bien des façons et des occasions de prier en vacances. Très concrètement, pourquoi n’emporteriez-vous pas, par exemple, comme livre de vacances, un ouvrage de spiritualité ? Ce serait l’occasion de vous refaire l’esprit et le cœur, en même temps que vous reprendriez des forces physiques indispensables, elles aussi.
Plus simplement, pourquoi ne pas prendre le temps de lire la Parole de Dieu, par exemple les textes proposés pour l’Eucharistie de chaque jour, en la laissant germer lentement en vous ? Quand nous parlons de lecture, nous pensons souvent à un regard superficiel posé sur un texte pour en recevoir une information. La lecture de la Parole de Dieu, elle est faite d’écoute (c’est Dieu qui me parle) et de réponse aimante. Elle est reçue dans le cœur, comme une lettre que m’adresse Quelqu’un qui ne cesse de m’aimer et d’attendre patiemment ma réponse.
Par ailleurs, les vacances peuvent être aussi l’occasion de vivre un week-end, une journée, pour Dieu, en participant à tel rassemblement, à tel pèlerinage, à telle proposition de rencontres et de partages (en disant cela, je pense aux Jeudis de Laghet ou aux Mardis de Lérins, entre autres choses...). Que de découvertes à faire, si nous savons nous mettre à l’écoute du Seigneur et de nos frères et sœurs dans la foi, avec la disponibilité que donne la liberté spirituelle !
Le temps du bilan
Tous les commerçants savent combien il est important de fermer boutique durant quelques heures, voire quelques jours, pour faire le bilan de leur stock, revoir leurs comptes afin de savoir où ils en sont. Partir (ou simplement être) en vacances, c’est accepter de prendre le risque d’évaluer en vérité ce qu’il nous a été donné de vivre durant l’année. C’est accepter de discerner ce qui, dans notre vie, est important - ce à quoi nous tenons le plus - et ce qui est second, voire dommageable. Il ne s’agit pas là d’un épluchage soupçonneux de nos actes, confrontés à une Loi morale plus ou moins bien comprise ; mais de l’appréciation de la réponse que nous faisons concrètement à travers nos choix quotidiens, à l’appel du Seigneur.
Faire un bilan spirituel avec notre directeur de conscience, comme on disait autrefois, si nous en avons un, faire un bilan de votre vie de couple et de famille, faire un bilan personnel sur l’usage du temps dans nos journées : c’est autant d’occasions de rendre grâces au Seigneur de ce qu’il nous a donné de vivre au quotidien, avec ceux qui vous entourent. Cela nous conduira peut-être aussi à découvrir bien des incohérences et des pertes de temps.
Le temps de la gratuité
Les vacances sont aussi le temps où nous acceptons de laisser notre esprit et notre cœur ouverts à l’imprévu. Précisément parce que c’est le temps du vide, ce peut être aussi le temps de la surprise : savoir contempler la nature, regarder celles et ceux que nous croisons sans toujours les voir dans la vie quotidienne, faute de temps, disons-nous facilement. C’est le temps de la gratuité : celle du regard, celle du cœur, celle de l’esprit : savoir être attentifs aux clins d’yeux que nous fait la Providence, afin de nous en émerveiller et d’en rendre grâces. Joie de la contemplation gratuite, fille de l’émerveillement de Dieu au matin de la Création : Dieu vit que cela était bon.
Temps de vacances : un temps de travail supplémentaire
Enfin n’oublions pas celles et ceux grâce à qui nos vacances sont possibles : travailleurs saisonniers ou réguliers œuvrant dans le tourisme. Notre région est particulièrement marquée par ce secteur d’activité. La Côte d’Azur est justement renommée pour son climat et pour le riche environnement qu’y trouvent les vacanciers.
Mais il serait grave d’oublier que ce temps privilégié est souvent, pour certains d’entre nous, un temps de surcroît de travail et de fatigue : que ce soit dans le domaine de l’hôtellerie ou celui de la restauration, il ne faudrait pas oublier celles et ceux qui sont à notre service. Beaucoup reste à faire pour que la justice sociale soit respectée dans tous ces domaines. Cela nous incitera à nous impliquer pour un changement d’esprit à l’égard des professionnels dont le travail facilite notre repos. C’est là un effort à la portée de tous. Le fait de payer ne suffit pas à donner tous les droits. Il y a des manières de parler, d’agir, voire de penser, qui sont incompatibles avec la charité chrétienne qui nous fait voir en tout être humain un enfant de Dieu.
Vaste programme, direz-vous peut-être... C’est vrai, mais n’oublions pas l’adage selon lequel l’art de se reposer est une partie de l’art de travailler. Bien vivre ses vacances permet ensuite de bien vivre sa vie quotidienne. Elles sont une occasion, parmi d’autres, offertes par le Seigneur pour prendre du recul afin de nous rendre vraiment libres.
+ Louis SANKALÉ
Évêque de Nice
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15/08/2010
Assomption
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06/08/2010
Vincent La Soudière
La nuit obscure de Vincent La Soudière
Le premier des trois volumes de la correspondance de cet écrivain sans œuvre met à nu sa profonde blessure
Ecrivain sans œuvre, ou presque, Vincent La Soudière connaît un étrange destin posthume. Le premier des trois volumes d’une correspondance qu’il entretint, de 1964 à sa mort en 1993, avec un ami prénommé Didier dessine le visage d’un homme tourmenté qui fit de la littérature un enjeu existentiel décisif et paradoxal. Ainsi, derrière la longue confession d’un homme qui souffrit tant pour trouver une raison de vivre, se formule, balbutiante, une question centrale sur l’acte d’écrire et sa justification spirituelle. Question moins destinée à recevoir une réponse qu’à être inlassablement relancée par celui qui disait : «Je ne suis pas de taille à exister.»
Mais parlons d’abord de la personne de Vincent La Soudière, telle que la dépeint son éditrice, Sylvia Massias. Né en septembre 1939, il est l’aîné d’une famille nombreuse charentaise qui connaîtra en 1960 un grave revers de fortune. Études à Sainte-Croix de Neuilly puis en philosophie à la Sorbonne. Santé physique et nerveuse fragile. Entre 1961 et 1964, il fait plusieurs séjours dans des monastères et s’interroge sur sa vocation. Il renoncera, peut-être en raison de ses relations amoureuses : «La chair complique tout, empeste tout, enténèbre tout», écrira-t-il un jour. Au monastère de l’île de Lérins, en 1964, il rencontre Didier, qui devient son ami et confident. Sa vie est alors instable, précaire. Petits métiers, nombreux voyages, notamment au Danemark et en Espagne. Tentatives de cure psychanalytique. Vie comme suspendue dans un présent dévasté… «La distance est devenue trop grande entre le monde et moi. Je ne vois plus les choses ni les êtres. Je ne perçois plus que ma rétractation devant tout, je n’entends plus que le hurlement de mon vide.»
En 1970, il se lie avec Henri Michaux qui reconnaît en lui, au travers des textes qu’il lui donne à lire et surtout de ses lettres, un «homme de la vie intérieure» et un écrivain en douloureuse gestation. Il rencontrera également Cioran. En 1974, quelques pages de lui sont publiées, grâce à Michaux et à John E. Jackson, dans la Revue (suisse) des Belles-Lettres. Toujours à l’initiative de Michaux, paraîtront en 1974, chez Fata Morgana, des Chroniques antérieures, belles et bouleversantes pages de prose qui brillent d’une lumière noire : ce sera son seul livre publié. En 2003, Sylvia Massias rassemblera des fragments posthumes sous le titre Brisants. Et aujourd’hui, ces lettres.
Partout, cette interminable explication avec lui-même, cette « incomplétude» comme «source». Obscure, tâtonnante, souvent récusée, la quête de Dieu est néanmoins présente entre les lignes, lors des rémissions du «cancer spirituel qui dévore (son) âme»… «La Grande Rencontre n’a pas eu lieu – n’aura sans doute jamais lieu. Je vis du poids de son attente.»
On reconnaît quelques échos lointains, assourdis de l’époque, surtout dans les manières de penser. Pas un mot de Mai 68. En 1974, il vote Giscard. Vincent La Soudière semble entièrement requis par ses propres tourments et démons intérieurs : «La folie, la mort rôdent.» Douloureux «apprentissage» dont il dit un jour être «secrètement averti (qu’il) ne finirait jamais». Il lit beaucoup – de Montherlant, Julien Green et André Gide à Pascal et Jacques Maritain – avec une grande acuité critique. Acuité qu’il exerce aussi à l’égard de lui-même, lorsqu’il n’est pas dans la colère, l’invective ou l’amertume. Comme nous le disions, la grande question reste la littérature et le devenir écrivain. Par la force et la sincérité, souvent la lucidité, de cette interrogation, une œuvre peu à peu se construit au fil de ces lettres, et sans doute de celles à venir. Elle peut bien être informe, elle n’en est pas moins vraie et belle.
PATRICK KECHICHIAN (La Croix début Juillet 10)
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01/08/2010
Vanité
Vanité des vanités, disait l'Ecclésiaste.
Vanité des vanités, tout est vanité !
Un homme s'est donné de la peine ;
il était avisé, il s'y connaissait, il a réussi.
Et voilà qu'il doit laisser son bien
à quelqu'un qui ne s'est donné aucune peine.
Cela aussi est vanité, c'est un scandale.
En effet, que reste-t-il à l'homme
de toute la peine et de tous les calculs
pour lesquels il se fatigue sous le soleil ?
Tous les jours sont autant de souffrances,
ses occupations sont autant de tourments :
même la nuit, son coeur n'a pas de repos.
Cela encore est vanité.
Livre de l'Ecclésiaste
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27/06/2010
St Ex
Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple: on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
Aimer, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, c'est regarder ensemble dans la même direction.
Avec l'avion, nous avons appris la ligne droite.
C'est l'esprit qui mène le monde et non l'intelligence.
Ce pour quoi tu acceptes de mourir, c'est cela seul dont tu peux vivre.
Ce qui est important, ça ne se voit pas.
Ce qui fait la beauté des choses est invisible.
Chacun est seul responsable de tous.
Dans la vie, il n'y a pas de solutions. Il y a des forces en marche: il faut les créer, et les solutions suivent.
Droit devant soi, on ne peut pas aller bien loin.
Fais de ta vie un rêve, et d'un rêve, une réalité.
Fruits et racines ont même commune mesure qui est l'arbre.
Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui. Si tu réussis à bien te juger, c'est que tu es un véritable sage.
Il est quelquefois sans inconvénient de remettre à plus tard son travail.
Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner. L'autorité repose d'abord sur la raison.
Je n'aime pas les sédentaires du coeur. Ceux-là qui n'échangent rien ne deviennent rien.
Je ne dirai pas les raisons que tu as de m'aimer. Car tu n'en as point. La raison d'aimer, c'est l'amour.
Je remontais dans ma mémoire jusqu'à l'enfance, pour retrouver le sentiment d'une protection souveraine. Il n'est point de protection pour les hommes. Une fois homme on vous laisse aller.
L'eau n'est pas nécessaire à la vie, elle est la vie.
L'homme se découvre quand il se mesure avec l'objet.
L'illumination n'est que la vision soudaine, par l'Esprit, d'une route lentement préparée.
L'occasion manquée est celle-là même qui compte.
Citations de saint-Exupéry
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23/06/2010
Enfance
L’enfant grandit.
Il grandit comme grandissent les enfants :
Comme un arbre plongeant les racines de ses bras dans la terre maternelle,
puisant sa nourriture dans les sous-bois d’une parole,
élevant les branches de Ses pensées dans la lumière du dehors.
L’enfance est ce qui nourrit sa vie.
Qu’est-ce qui nourrit l’enfance ?
Les parents et l’entourage, les lieux, la magie des lieux…
Et Dieu pour le reste qui est presque tout.
Moins le Dieu de la Bible, un Dieu jardinier, un Dieu bâtisseur,
que le Dieu imprévoyant des pluies d’été et des premiers chagrins.
Le Dieu braconnier du temps qui passe.
Ce Dieu-là est la première rencontre de la vie, avant l’autre, bien avant l’autre.
C’est le même en plus vrai, en plus proche.
On peut négocier avec le Dieu de la Bible.
On peut faire des affaires avec lui,
engager des pourparlers, rompre et reprendre,
On peut même lutter avec lui en pariant sur sa faiblesse.
Mais avec le Dieu nourricier de l’enfance, on ne peut rien.
Il est la part non maîtrisée de l’enfance,
la part décidée de l’éducation,
et c’est la part de l’infini.
Il n’y a pas à croire en lui .
Croire c’est donner son cœur.
Ce Dieu des heures simples a pris le cœur de l’enfant au berceau .
Christian Bobin
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