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20/01/2013

Angine de poitrine


ANGINE DE POITRINE

Si la moitié de mon cœur est ici, docteur,
L’autre moitié est en Chine,
Dans l’armée qui descend vers le Fleuve Jaune.

Et puis tous les matins, docteur,
Mon cœur est fusillé en Grèce.

Et puis, quand ici les prisonniers tombent dans le sommeil
quand le calme revient dans l’infirmerie,
Mon cœur s’en va, docteur, 
chaque nuit,
il s’en va dans une vieille
maison en bois à Tchamlidja 
Et puis voilà dix ans, docteur,
que je n’ai rien dans les mains à offrir à mon pauvre peuple,
rien qu’une pomme,
une pomme rouge : mon cœur.
Voilà pourquoi, docteur,
et non à cause de l’artériosclérose, de la nicotine, de la prison,
j’ai cette angine de poitrine.

Je regarde la nuit à travers les barreaux
et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine,
Mon cœur bat avec l’étoile la plus lointaine.

Nazim Hikmet - Extrait de "Il neige dans la nuit et autres poèmes", éditions Gallimard, 2002, page 89 

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10/01/2013

Intimité

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C'est un moment étincelant

Les choses ont une élasticité

Une tiédeur profonde

D'une féconde intimité

Etonnante.

Une épaisseur intérieure

De la relation humaine

Débouche un dynamisme

Entre l'esprit et la matière

Une prolifération de l'être.

 

8 avril 99

Chryssoula Katsianaki

dans Liaisons d'Affinité

 

 

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07/01/2013

Ballade à la lune

 

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Ballade à la lune 

C'était, dans la nuit brune,
Sur le clocher jauni,
La lune
Comme un point sur un i.

Lune, quel esprit sombre
Promène au bout d'un fil,
Dans l'ombre,
Ta face et ton profil ?

Es-tu l’œil du ciel borgne ?
Quel chérubin cafard
Nous lorgne
Sous ton masque blafard ?

N'es-tu rien qu'une boule,
Qu'un grand faucheux bien gras
Qui roule
Sans pattes et sans bras ?

Es-tu, je t'en soupçonne,
Le vieux cadran de fer
Qui sonne
L'heure aux damnés d'enfer ?

Sur ton front qui voyage.
Ce soir ont-ils compté
Quel âge
A leur éternité ?

Est-ce un ver qui te ronge
Quand ton disque noirci
S'allonge
En croissant rétréci ?

Qui t'avait éborgnée,
L'autre nuit ? T'étais-tu
Cognée
A quelque arbre pointu ?

Car tu vins, pâle et morne
Coller sur mes carreaux
Ta corne
à travers les barreaux.

Va, lune moribonde,
Le beau corps de Phœbé
La blonde
Dans la mer est tombé.

Tu n'en es que la face
Et déjà, tout ridé,
S'efface
Ton front dépossédé.

Rends-nous la chasseresse,
Blanche, au sein virginal,
Qui presse
Quelque cerf matinal !

Oh ! sous le vert platane
Sous les frais coudriers,
Diane,
Et ses grands lévriers !

Le chevreau noir qui doute,
Pendu sur un rocher,
L'écoute,
L'écoute s'approcher.

Et, suivant leurs curées,
Par les vaux, par les blés,
Les prés,
Ses chiens s'en sont allés.

Oh ! le soir, dans la brise,
Phœbé, sœur d’Apollon,
Surprise
A l'ombre, un pied dans l'eau !

Phœbé qui, la nuit close,
Aux lèvres d'un berger
Se pose,
Comme un oiseau léger.

Lune, en notre mémoire,
De tes belles amours
L'histoire
T'embellira toujours.

Et toujours rajeunie,
Tu seras du passant
Bénie,
Pleine lune ou croissant.

T'aimera le vieux pâtre,
Seul, tandis qu'à ton front
D'albâtre
Ses dogues aboieront.

T'aimera le pilote
Dans son grand bâtiment,
Qui flotte,
Sous le clair firmament !

Et la fillette preste
Qui passe le buisson,
Pied leste,
En chantant sa chanson.

Comme un ours à la chaîne,
Toujours sous tes yeux bleus
Se traîne
L'océan montueux.

Et qu'il vente ou qu'il neige
Moi-même, chaque soir,
Que fais-je,
Venant ici m'asseoir ?

Je viens voir à la brune,
Sur le clocher jauni,
La lune
Comme un point sur un i.



Ecrit par Alfred de MUSSET

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21/12/2012

Le petit peintre

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Je n'ai jamais su vraiment qui, à mon premier matin, avait mis dans mes mains des couleurs et des pinceaux.
J'ai appris à dessiner et à peindre, mais rien de beau ne sortait qui puisse faire un jour un cadeau agréable à l'inconnu qui m'avait donné tant de talents.

Que vais-je donc lui offrir comme tableau?
Celui des attentats? des villes en feu? des accidents? des jeunes qui pleurent? des vieux qui meurent? Je ne sais faire que ça parce que je ne vois que ça! Et ce ne sera pas un beau cadeau pour lui!

- Mais si, me dit l'inconnu que je ne voyais pas dans tout ce noir. Dessine-moi tout cela; et moi, je viendrai, petit enfant, illuminer la toile. Je te ferai cadeau de ma lumière, et ensemble, nous mettrons mille couleurs.
- O oui, fais-moi cadeau de ta lumière et moi, je te ferai le plus beau de tous les tableaux: un monde ensoleillé d'amour et de joie où fleuriront la justice et la paix.

Copyright - Thierry Piet- Novembre 2003

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11/12/2012

Le givre

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Mon dieu comme ils sont beaux 
Les tremblants animaux 
Que le givre a fait naître 
La nuit sur ma fenêtre ! 

Ils broutent des fougères 
Dans un bois plein d’étoiles 
Et l’on voit la lumière 
A travers leurs corps pâles. 

Il y a un chevreuil 
Qui me connaît déjà : 
Il soulève pour moi 
Son front d’entre les feuilles. 

Et quand il me regarde, 
Ses grands yeux sont si doux 
Que je sens mon cœur battre 
Et trembler mes genoux. 

Laissez-moi, ô décembre 
Ce chevreuil merveilleux 
Je resterai sans feu 
Dans ma petite chambre. 



Maurice CAREME 

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29/11/2012

Le lac

Le Lac

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Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur, 
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

Alphonse de Lamartine - Les Méditations poétiques

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