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27/03/2013

Davantage de vie

darwich.JPGJe veux davantage de vie pour te rencontrer, davantage d’exil.
Si mon cœur était léger, je l’aurais lâché sur chaque abeille.

Je veux davantage de cœur pour pouvoir arriver à la cheville d’un palmier.
Si ma vie m’appartenait, je t’aurais attendue derrière les vitres de l'absence.

Je veux davantage de chansons pour porter mille et unes portes,
Les dresser comme une tente en plein pays, et habiter une phrase. Je veux davantage de dames pour connaître le dernier baiser
Et la première belle mort sur un poignard trempé dans le vin des nuages.

Je veux davantage de vie pour que mon cœur reconnaisse les siens Et que je puisse revenir à… une heure de sable.

Je veux davantage de vie – Mahmoud Darwich
Recueil : wardoun aqal Plus rares sont les roses, 1972.
Traduction Abdellatif Laâbi Les éditions de minuit

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24/03/2013

Dimanche des Rameaux

rameaux 3.JPG

À Paul Lafond.

Dimanche
des Rameaux…
Les blancs hameaux,
les ormeaux,
les sureaux,
les roseaux,
les fuseaux,
les bestiaux
s’endorment
comme
des oiseaux.

À l’ombre des feuilles,
les eaux lentes
se recueillent
dimanchement.

Ô Rousseau !
Où sont
les sons
des chalumeaux ?

Les moutons
sur les prairies
fleuries
sont monotones.

J’ai accompagné
le long des haies
matinales
le facteur rural…

Les cloches sonnaient larges
et toutes,
comme des gouttes
d’orage.

Mon cœur fleurissait
et je prosternais
mon âme
inquiète et calme

vers les noires
éminences
des coteaux sur
qui est l’azur.

Les nuages blancs,
malgré le beau temps,
semblaient lourds
d’eau d’ouragan.

Nous sommes allés
dans les allées
creusées par les
ondées.

Les murs des chaumières
avaient des éviers
de pierre,
de fougères et de lierre.

Maintenant je prie,
ô mon Dieu, mon Dieu,
devant le ciel bleu
où un moineau crie.


1897.

Francis Jammes

"De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir"

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20/03/2013

Le printemps

cerisier.jpg

Le printemps  (E.Roda Gil - A. Branduardi)

Il aura les cils des yeux bleu-gris
Les nids des oiseaux qui passent
Se poseront sur ses hanches
Pour changer la place du Pôle
Pour inventer la boussole.


Agenouillé près de la source
Et pour y mouiller ses lèvres
Pour savoir si elle est bonne
Pour noyer la place du Pôle
Pour oublier la boussole.


Pour l'abeille, la neige s'en va
Dans l'herbe la feuille se tourne
Pour cacher sa joie
Pour les hommes, les femmes et les bois
Le Printemps passe
Au nord et au sud à la fois.
Oh printemps tu passes
Sur les glaces de l'ennui.


Il aura les cils des yeux bleu-gris
Les nids des oiseaux qui passent
Se poseront sur ses hanches
Pour changer la place du Pôle
Pour inventer la boussole.

Oh printemps tu passes
Sur les glaces de l'ennui.

16/03/2013

Enez Aval

Enez Aval

 

aval.JPG

 

Il y avait
ces murs de pierre
où le vent se brisa
sur les rêves

des hommes venus
de l’autre côté
des siècles

et de la mer

Il y avait cette croix
grise
par temps de pluie
blanche par temps de ciel

quand la lumière pose son poids de neige
sur la terre

Il y avait cette île ouverte
au jour de l’équinoxe
et la fleur fragile parmi le vent

forte
parmi la vie

Yvon Le Men dans La patience des pierres, 1995, ibid. p. 285

Article dans le Ouest-France du 15 mars 2013

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15/03/2013

Le bilan

ferrat.jpg

Ah! ils nous en ont fait avaler des couleuvres
De Prague à Budapest, de Sofia à Moscou
Les staliniens zélés qui mettaient tout en œuvre
Pour vous faire signer les aveux les plus fous
Vous aviez combattu partout la bête immonde
Des brigades d´Espagne à celles des maquis
Votre jeunesse était l´Histoire de ce monde
Vous aviez nom Kostov ou London ou Slansky

Au nom de l´idéal qui vous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd´hui

Ah! ils nous en ont fait applaudir des injures
Des complots déjoués, des dénonciations
Des traîtres démasqués, des procès sans bavures
Des bagnes mérités, des justes pendaisons
Ah! comme on y a cru aux déviationnistes
Aux savants décadents, aux écrivains espions
Aux sionistes bourgeois, aux renégats titistes
Aux calomniateurs de la révolution

Au nom de l´idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd´hui

Ah! ils nous en ont fait approuver des massacres
Que certains continuent d´appeler des erreurs
Une erreur, c´est facile comme un et deux font quatre
Pour barrer d´un seul trait des années de terreur
Ce socialisme était une caricature
Si les temps on changé, des ombres sont restées
J´en garde au fond du cœur la sombre meurtrissure
Dans ma bouche, à jamais, la soif de vérité

Au nom de l´idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd´hui

Mais quand j´entends parler de bilan positif
Je ne peux m´empêcher de penser : A quel prix?
Et ces millions de morts qui forment le passif
C´est à eux qu´il faudrait demander leur avis
N´exigez pas de moi une âme de comptable
Pour chanter au présent ce siècle-tragédie
Les acquis proposés comme dessous de table
Les cadavres passés en pertes et profits

Au nom de l´idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd´hui

C´est un autre avenir qu´il faut qu´on réinvente
Sans idole ou modèle, pas à pas, humblement
Sans vérité tracée, sans lendemains qui chantent
Un bonheur inventé définitivement
Un avenir naissant d´un peu moins de souffrance
Avec nos yeux ouverts en grand sur le réel
Un avenir conduit par notre vigilance
Envers tous les pouvoirs de la Terre et du Ciel

Au nom de l´idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd´hui


Jean Ferrat

14/03/2013

Et si la vie est courte

 

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Jamais je n'ai cherché la gloire

Ni voulu dans la mémoire

des hommes

Laisser mes chansons

Mais j'aime les mondes subtils

Aériens et délicats

Comme des bulles de savon.

J'aime les voir s'envoler,

Se colorer de soleil et de pourpre,

Voler sous le ciel bleu, subitement trembler,

Puis éclater...

 

Le chemin se fait en marchant

Et quand tu regardes derrière toi

Tu vois le sentier que jamais

Tu ne dois à nouveau fouler

Voyageur ! Il n'y a pas de chemins

Rien que des empreintes laissées sur la mer


 

Et si la vie est courte

 

et si la mer n'arrive pas à ta galère

 

attends sans partir et espère toujours

 

car l'art est long et, d'ailleurs

 

c'est sans importance.

 

Antonio Machado

 

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